En tant que ministre de la Culture du Québec et ministre du Patrimoine canadien, j'ai eu l'honneur et la responsabilité de défendre et de soutenir la culture et, de facto, la source même de celle-ci: ses créateurs. À ce titre, je me dois d'ajouter ma voix à celle de plusieurs d'entre nous, afin d'exprimer mes inquiétudes au sujet du projet de loi C-32 modifiant la Loi sur le droit d'auteur, à l'étude actuellement à la Chambre des communes.

La Loi sur le droit d'auteur régit le fondement même de notre culture et de ses expressions. Comprenant sa complexité et les arbitrages qu'elle exige, je salue la volonté du gouvernement de vouloir intégrer le traité de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) dans le droit canadien.

À la lecture du projet de loi C-32, je constate cependant que certains principes directeurs sont profondément modifiés. Il est clair que ce projet de loi prend la part des usagers, laissant aux auteurs le fardeau de la preuve quant aux violations de leurs droits, allant même jusqu'à l'expropriation de ceux-ci.

Un exemple: l'élargissement des exceptions qui toucheraient le domaine de l'éducation. Selon les nouvelles modifications, les auteurs du contenu, enseigné dans les écoles, perdraient leur rémunération. Est-il normal que les craies, le concierge et le mazout, sans oublier bien sûr les professeurs, soient tous payés... sauf les responsables du contenu pédagogique?

Il y a plus de 100 ans, les auteurs se sont regroupés pour créer des sociétés de gestion collective appelées à régir leurs relations d'affaires avec les utilisateurs de leurs oeuvres. À la suite des acquis de la dernière modification législative de 1997, ces sociétés de gestion ont été placées au centre des négociations entre les usagers et les ayants droit. À titre d'exemple, dans le domaine de la radiodiffusion, certaines exceptions au droit de reproduction de l'oeuvre musicale pouvaient être suspendues quand l'usager obtenait les droits d'un collectif. Le projet de loi C-32 retire cette disposition.

Il en va de même pour les exceptions se rapportant à l'internet ou aux autres réseaux numériques. Ces exceptions dans le projet de loi exemptent les fournisseurs d'accès internet de toute violation du droit d'auteur alors que ces fournisseurs, grands bénéficiaires financiers du travail des auteurs, devraient être considérés comme des utilisateurs du droit d'auteur et, à ce titre, obligés de compenser ceux-ci.

Ce ne sont là que quelques exemples qui exigent des amendements significatifs au projet de loi présentement à l'étude.

La Loi sur le droit d'auteur est issue d'une convention sociale entre les usagers et les auteurs pour assurer à ceux-ci une rémunération équitable. Pour chaque création, il faut comprendre que ces auteurs assument un risque financier jusqu'à ce qu'ils trouvent des gens qui, par l'achat de disques, de livres, de téléchargements légaux ou de billets d'entrée au théâtre, au musée, au spectacle ou au cinéma, leur démontrent leur appréciation. C'est leur salaire. Pour qu'ils puissent continuer leur travail, soutenons-les dans leurs démarches devant cette loi.

Sans auteurs d'ici, il ne peut y avoir d'industries culturelles québécoises et canadiennes; et sans droit d'auteur, il ne peut y avoir de créateurs. Si le gouvernement conservateur minoritaire ne comprend pas ces enjeux, les partis de l'opposition, unanimement, se doivent de lui faire entendre raison.