La conférence de Cancún (COP 16) s'annonce difficile. On peut espérer une avancée dans des domaines précis: le financement, la mesure des résultats, la protection des forêts. Même là, le résultat est incertain.

Il faudrait que les deux principaux émetteurs de gaz à effet de serre, les États-Unis et la Chine, trouvent un compromis. Les Américains veulent que les économies émergentes soumettent leur bilan à des règles de vérification aussi rigoureuses que celles prévues pour les pays développés, mais la Chine s'y oppose.

Nous n'aurons pas le traité global dont le monde a besoin. Il faudra tout un changement d'attitude pour que nous l'ayons à Durban l'an prochain.

Pourquoi n'arrivons-nous pas à nous entendre pour agir de concert? Nous savons bien qu'une menace globale comme les changements climatiques commande une riposte globale, une action concertée de toutes les régions du monde.

La théorie de l'action collective nous enseigne qu'il est plus facile d'élaborer une politique publique quand les bénéfices en sont divisibles, c'est-à-dire quand les individus et les groupes qui font des efforts sont ceux qui profitent des résultats obtenus. Malheureusement, dans la lutte contre les changements climatiques, les efforts de ceux qui agissent pour les combattre profitent à tout le monde, même à ceux qui ne font rien. D'où l'attrait de ce qu'on peut appeler le resquillage climatique.

Si ce n'était de ce syndrome du resquilleur, les États diraient tous: «Je vais faire tout ce que je peux. Regardez ce que je fais, et faites-en plus vous-même. Je suis un meneur, je suis un précurseur.» Mais ce qu'on entend plutôt à répétition à Cancún, c'est l'excuse type du resquilleur climatique: «Pourquoi en ferais-je davantage alors que les autres font si peu?» Les resquilleurs climatiques avancent toutes sortes de raisons d'en faire le moins possible, tout en exigeant des autres qu'ils en fassent davantage, car ils savent très bien qu'ils profiteront des gestes posés par les autres.

D'ailleurs, que dit le gouvernement canadien à cette conférence de Cancún? Qu'il ne peut pas en faire plus que les États-Unis. Tant que ceux-ci ne produiront pas de loi sur le climat, de réglementation des émissions de gaz à effet de serre, de tarification du carbone, eh bien le gouvernement du Canada n'en fera pas non plus. Ottawa attend Washington!

Le gouvernement canadien a tort de jouer ainsi les resquilleurs climatiques. Il a tort sur le plan environnemental mais même du point de vue de son propre intérêt économique.

Des études faites par l'Institut C.D. Howe, l'Institut Pembina, le Conference Board du Canada, établissent que nous pourrions, sans attendre les Américains, mettre un prix à nos émissions de GES sans nous rendre vulnérables sur le plan concurrentiel.

Le premier ministre Stephen Harper lui-même, aussi récemment qu'en mai 2008, annonçait qu'il allait agir immédiatement sans attendre les États-Unis, en fixant le prix du carbone à 65$ la tonne. Mais quand est venu le moment de passer de la parole aux actes, le gouvernement canadien a reculé, et aujourd'hui il se retranche derrière l'excuse américaine pour retarder l'action indéfiniment.

Ce combat contre le resquillage climatique, il faut le gagner au Canada. Il faut le gagner dans chaque pays. Cette excuse trop facile, «j'agirai quand les autres agiront», il faut l'écarter. Et alors les pays enverront aux prochaines conférences des délégations en mesure de négocier et de mettre en oeuvre le traité mondial que nous aurions voulu avoir à Cancún.