On a sorti l'orchestre, la fanfare et les trompettes: les Canadiens sont endettés! Mais oui, les Canadiens, les Québécois, les États-Unis, la Grèce, l'Irlande, l'Espagne, les morues, les ours blancs sont endettés, alouette. Comme si on ne le savait pas avant, comme si le résultat n'était pas attendu, organisé, provoqué.

Encore une fois, on fait porter aux individus la responsabilité d'une situation qui ne comportait pas d'autre issue. Les consommateurs ont fait ce qu'on voulait qu'ils fassent. Point.

Car la santé de l'économie exige la croissance infinie. La croissance infinie exige la consommation, plus de consommation. La consommation exige les conditions de crédit faciles. Trop faciles.

Pourquoi croyez-vous que les taux de crédit soient si bas sinon pour provoquer le maximum de consommation? Pourquoi croyez-vous que plusieurs millions de maisons aux États-Unis valent moins cher que ce qui reste à payer en hypothèque sinon parce que les banques et le gouvernement ont facilité le crédit à outrance? Pourquoi a-t-on si peur que les gens perdent confiance dans l'économie et n'achètent plus, ne s'endettent plus?

Alors les gens sont endettés, c'est ce qu'on voulait. Les gouvernements sont encore plus endettés: il le fallait bien parce que l'économie avait besoin de ce remède de cheval. Pour essayer de reprendre un peu le contrôle de la situation, on essaie de faire peur aux consommateurs en prévoyant (pour quand?) une hausse des taux d'intérêt.

Or, il n'y aura pas de hausse des taux d'intérêt avant un bon moment. Parce que l'éclatement de la bulle de consommation serait encore plus bruyant que celui de la bulle immobilière de 2008 aux États-Unis. Parce que cela compromettrait encore plus profondément la consommation et la croissance. Surtout que les gouvernements n'ont plus les moyens de s'endetter d'un sou pour relancer quoi que ce soit. Aussi parce que l'augmentation de la production ne crée plus d'emplois et que les usines sont à peu près toutes présentement en état de sous-production. Donc l'augmentation de l'emploi a bien des chances d'être timide, de même que la croissance de la masse des consommateurs.

On veut que les gens consomment, on rend le crédit facile, on les assomme de milliards en publicité et on ne voudrait pas qu'ils s'endettent.

Un avertissement, qu'ils disent. Non, un premier cri d'alarme!