Daniel Gill questionne les raisons des opposants au paiement de la construction du Colisée avec les fonds publics, en affirmant que l'on «confond à la fois rentabilité des activités qui s'y dérouleront, rentabilité de l'immeuble et rentabilité de l'investissement pour l'État».

Ainsi, il soutient que les activités du Colisée généreront 22 millions de dollars par année en TVQ. Cette affirmation est inexacte: les Québécois, qui seront la quasi-totalité des spectateurs, ne sont pas plus riches depuis l'annonce de la construction du Colisée à Québec.

Ainsi, une famille disposant d'un budget de 200$ pour se divertir paiera 28$ en taxes (TPS et TVQ) sur ce montant. Que la famille décide d'aller voir les Nordiques ou de souper au restaurant et de visionner un film au cinéma avec les mêmes 200$, aucune nouvelle taxe ne sera récupérée par les gouvernements: le budget de cette famille demeure invariable. On imagine les conséquences potentielles: cannibalisation de marché, concentration des revenus et perte de rentabilité des autres activités commerciales liées au divertissement.

M. Gill avance que la construction ne nécessitera «aucun investissement réel, car le Colisée sera financé par un emprunt hypothécaire». Cependant, dans toute construction, il faut une mise de fonds pour obtenir un prêt hypothécaire. Qui plus est, les 387 millions de fonds publics sont un investissement réel, car nous attribuons cette somme à la construction du Colisée au détriment d'autres investissements potentiels.

Peu importe que le Colisée soit bâti à 100% avec des fonds publics ou privés, les conséquences de son apparition seront les mêmes au niveau des retombées économiques directes et indirectes. M. Gill tient pour acquis qu'aucun investisseur privé n'aurait investi un dollar dans la construction du Colisée. Si, et seulement si, c'est le cas, il serait opportun de se demander pourquoi. Simplement parce que le projet est très risqué à ce stade-ci: aucune équipe, aucune certitude que les coûts ne seront pas dépassés, aucune assurance que les projections s'avéreront cohérentes, aucun éventuel propriétaire d'équipe n'a déposé une offre acceptée.

Pourquoi faut-il réclamer un rendement sur cet investissement? Parce qu'il est de nature commerciale. Il vise l'enrichissement de quelques individus aux frais de la population québécoise: pourquoi un projet devant habiter une équipe de hockey devrait primer tout autre projet commercial? Lorsqu'un entrepreneur bâtit un commerce de détail, le gouvernement défraie-t-il habituellement le coût de l'immeuble? Évidemment que non, pourquoi dans ce cas-ci agirait-il de façon différente?

Le premier ministre Jean Charest doit agir en bon père de famille et gérer l'argent des contribuables québécois comme si c'était le sien. Le rôle d'un gouvernement n'est pas de prendre ce type de risque, mais de gérer les ressources monétaires fournies par les Québécois pour le bien-être de la collectivité. Implicitement, le gouvernement désire diversifier les services et les valeurs d'une société qui ne pourraient éclore autrement. Voilà la raison de l'investissement dans une salle de spectacles de l'OSM ou d'un quartier des spectacles qui sont des organismes à but non lucratif. Le retour des Nordiques semble injustifiable selon cette logique.

Si le besoin se fait pressant de générer ce type d'investissement, assurons-nous d'être rémunérés à la hauteur du risque encouru: ce n'est pas le cas dans la formule actuelle proposée par le gouvernement du Québec. Le financement du Colisée est un geste politique: aucun lien avec une logique financière basée sur un effet de levier positif.

Nous ne sommes plus à Rome à l'époque où l'on divertissait le peuple pour lui faire oublier les enjeux majeurs qu'il devait affronter. Le plus ironique dans toute cette histoire, c'est que l'entente qui sera signée avec l'éventuel propriétaire de l'équipe sera confidentielle: on ne pourra jamais calculer notre coût réel dans cette aventure.