Au cours des dernières semaines, certaines personnalités publiques se sont permis, sur la base de mauvaises prémisses, de porter un jugement sommaire sur le travail des médecins de famille au Québec. On attribue faussement les difficultés d'accès au fait qu'ils ne suivraient pas suffisamment de patients ou ne travailleraient pas suffisamment d'heures.

Revenons sur la prétention à l'effet que les problèmes d'accès seraient réglés si chaque médecin de famille au Québec suivait 1500 patients, comme cela est rapporté dans certains pays. Quiconque comprend le modèle d'organisation des soins au Québec sait que ce ratio ne peut pas être la norme chez nous puisque la pratique de la médecine familiale au Québec a des caractéristiques qui lui sont propres et que l'on ne retrouve pas ailleurs, notamment sur le plan de la diversité des milieux de pratique.

Il est vrai que les médecins de famille travaillent principalement en clinique médicale. C'est là que se fait le travail de prise en charge et de suivi des patients qui, d'année en année, devient de plus en plus exigeant en raison du vieillissement de la population. D'autre part, ces cliniques médicales sont souvent l'endroit de premier contact avec notre système de santé en situation d'urgence. En conséquence, on doit maintenir à l'intérieur des cliniques de nombreux services sans rendez-vous.

Cela est particulièrement vrai dans les milieux urbains où des médecins de famille pratiquent dans des cliniques réseau ouvertes 365 jours par année, souvent dès 8h et parfois jusqu'à 22h, et dont le volume de clientèle est très important. Il n'est pas rare d'y retrouver après à peine une ou deux heures d'ouverture, plus de 140 ou 150 patients qui souhaitent obtenir une consultation le jour même!

Voilà une lourde responsabilité qui, en plus du travail non rémunéré comme le suivi des consultations et l'obtention de rendez-vous avec un collègue spécialiste, s'ajoute au suivi et à la prise en charge de patients.

Au Québec, les médecins de famille jouent également un rôle très important dans la dispensation des soins en milieu hospitalier. Ils y consacrent plus de 43% de leurs activités professionnelles alors qu'en Ontario, cette proportion n'est que de 15%. Les médecins de famille représentent 2400 des 2500 médecins travaillant dans nos salles d'urgence. Ils effectuent 40 000 accouchements par année. Voilà des services offerts 24 heures sur 24, 7 jours sur 7... par des médecins de famille! On les retrouve, en plus, aux soins intensifs ainsi que dans les secteurs de l'anesthésie et des soins palliatifs.

Ces activités en établissement s'ajoutent à celles dans les cliniques médicales et le bon fonctionnement du réseau de la santé exige la présence des médecins de famille dans ces secteurs. Les médecins de famille ne peuvent donc pas les délaisser sans créer des problèmes inimaginables dans l'offre de soins. On se rend ainsi compte que leur charge de travail est tout à fait comparable à celle des autres médecins au Québec, autant en ce qui concerne les journées travaillées que les heures de travail clinique auprès des patients. De plus, nos besoins en médecins de famille sont accentués par la dispersion et l'étendue du territoire québécois.

Il est indéniable que les médecins de famille travaillent fort et jouent un rôle crucial dans le réseau de la santé. Cessons, s'il vous plaît, de tenter de dénigrer leur travail en véhiculant des préjugés grossiers qui ne tiennent pas la route. La réalité est qu'il manque 1175 médecins omnipraticiens au Québec, que les besoins en soins de première ligne sont en croissance constante et que la relève médicale n'est pas au rendez-vous puisque, année après année, moins de 40% des étudiants en médecine font ce choix de carrière.