La réalité de la dernière élection fédérale commence à apparaître clairement et ce qui en ressort n'est pas joyeux : la voix du Québec à Ottawa est plus faible que jamais. C'est un déclin qui se poursuit depuis plusieurs années et ne semble pas devoir s'arrêter dans un proche avenir.

Si la réponse fédéraliste au séparatisme québécois est d'essayer d'imbriquer le Québec dans la construction fédéraliste, elle ne fonctionne pas.

L'époque où les élites de Toronto, d'Ottawa et de Montréal décidaient du programme national est bel et bien révolue. Et ses funérailles se sont déroulées le 2 mai. C'est l'Ontario et l'Ouest canadien qui détiennent maintenant les rênes du pouvoir. Et le Québec se trouve exclu du pouvoir exécutif.

C'est un très grand changement. Pendant près de 40 ans, de Pierre Trudeau à Paul Martin, tous les premiers ministres élus - si on exclut la brève incursion au pouvoir de Joe Clark - étaient originaires du Québec. Puis, en 1993, les Québécois ont choisi le Bloc pour les représenter à Ottawa. En mai dernier, ils ont répudié les séparatistes et ont adopté les fédéralistes sociaux-démocrates.

Pendant que les Québécois font l'expérience d'un premier parti d'opposition, puis d'un second, leur influence au sein du gouvernement est en déclin constant. Avec seulement cinq députés dans le caucus conservateur, les Québécois y sont pratiquement invisibles.

Mais ce n'est pas qu'une question de politique. La démographie joue également un rôle ici. Étant donné le faible taux de natalité et d'immigration au Québec, la proportion de la population québécoise au pays est en décroissance, passée de 29% en 1961 à 23% aujourd'hui. Cet automne, les conservateurs vont voter une loi qui vise à changer la distribution des sièges aux Communes de manière à donner à l'Ontario, à la Colombie-Britannique et à l'Alberta leur juste part de sièges, ce qui diminuera davantage le poids du Québec au Parlement.

Le programme politique national a lui aussi changé. À cause de la crise de la dette des années 1990, le gouvernement fédéral a délaissé le dossier de la justice sociale, que les Québécois ont à coeur, pour accorder davantage d'importance au conservatisme fiscal. Désormais, les priorités du gouvernement fédéral ne correspondent plus aux priorités du Québec.

De plus, le principe des transferts fiscaux sur le plan horizontal est menacé. L'Ontario est aujourd'hui au deuxième rang des provinces à recevoir de la péréquation. Le premier ministre Dalton McGuinty a, par le passé, considéré l'idée de se débarrasser du système de la péréquation. Les provinces nanties comme l'Alberta et la Colombie-Britannique ne s'en plaindraient sûrement pas. Ces provinces sont des bastions conservateurs.

L'isolement du Québec pourrait devenir encore plus important. Avec les nouvelles lois d'élections à dates fixes, nous savons qu'il y aura au moins cinq élections provinciales cet automne. On prévoit que les différents partis conservateurs vont prendre le pouvoir en Ontario et au Manitoba et le garder en Saskatchewan. Si la majorité des provinces anglophones se retrouvent sous un gouvernement conservateur, l'isolement des Québécois risque d'être encore plus grand.

Maintenant que la province n'a plus beaucoup de poids dans le gouvernement, que la proportion de sa population au sein du Canada décroît, que son économie est en déclin, que les transferts pourraient cesser et que le reste du Canada adopte une vision de droite dans laquelle la plupart des Québécois ne se reconnaissent pas, il devient de plus en plus difficile de défendre l'importance du Canada pour le Québec et celle du Québec pour le Canada.

Alors, la prochaine fois que les Québécois demanderont pourquoi ils font partie de ce pays, que leur répondra le reste du pays?