Au cours des dernières semaines, le débat entre le président Obama et le Congrès américain sur le plafond de la dette fédérale, l'abaissement de la cote de crédit du Trésor américain par l'agence Standard & Poor's et le mouvement giratoire des indices boursiers ont dominé les manchettes. Que signifient ces événements pour le revenu et l'emploi des citoyens d'ici et d'ailleurs?

À Washington, la chicane entre républicains et démocrates au sujet du plafond de la dette publique était de nature purement politicienne. Personne de sérieux ne doute de la viabilité financière des finances fédérales américaines. Aujourd'hui même, les investisseurs se contentent d'un taux d'intérêt de 2,25% pour acheter des obligations du Trésor américain à échéance de 10 ans. Ce taux est parmi les plus bas depuis 60 ans. Il ne permet pas de douter que les marchés financiers ont pris avec un grain de sel l'abaissement de la cote de crédit du gouvernement par l'agence Standard & Poor's.

Ce qu'il faut prendre au sérieux, ce sont les conditions extorquées par le Congrès à majorité républicaine afin d'appuyer le relèvement du plafond de la dette. Ces conditions stipulent que les dépenses fédérales devront être réduites de 2500 milliards de dollars à brève échéance. Le problème est que, dans la situation actuelle de l'économie américaine, ces coupes budgétaires sont totalement contre-indiquées. Elles risquent d'avoir des conséquences graves pour la reprise aux États-Unis.

Dans ce pays, la récession a fait dégringoler le taux d'emploi de 63% de la population adulte en décembre 2007 à 58% en décembre 2009. Or, après deux ans de soi-disant «reprise», en août 2011, le taux d'emploi est encore «collé» à ce niveau abyssal de 58%. La banque centrale américaine ne peut évidemment pas faire beaucoup plus pour promouvoir la reprise que de continuer à maintenir les taux d'intérêt au plus bas niveau possible. Reste la politique budgétaire: des dépenses fédérales accrues (en transferts de fonds aux États, en infrastructures ou que sais-je) pourraient fouetter l'économie et l'emploi. Or, c'est précisément cet outil d'intervention que l'entente Obama-Congrès sur la dette et le déficit interdit d'utiliser.

Pour sortir le revenu et l'emploi de la stagnation tout en maintenant la viabilité des finances publiques, il faudrait que les Américains augmentent les dépenses fédérales de 1000 milliards ou plus à court terme (plutôt que de les réduire!) tout en stabilisant leur dette publique à plus long terme, ce que permettraient un retrait progressif des troupes de l'Irak et de l'Afghanistan, un meilleur contrôle des coûts de la santé et une hausse des impôts. Soit dit en passant, les Américains ne paient en impôts et taxes que 24% de leur revenu intérieur (donnée de l'OCDE pour 2009). C'est 10 points de moins que la médiane des 22 grands pays riches de l'OCDE, qui est de 34%.

La conséquence de l'entente de Washington sur la dette et le déficit est qu'au pire l'économie américaine va retomber en récession et qu'au mieux elle va continuer à patauger pendant quelques années.

Il y aura des répercussions secondaires au Canada et au Québec: la reprise tant attendue de nos exportations vers les États-Unis va se faire attendre, ce qui annonce, chez nous, une croissance économique plus lente que prévu et un taux d'emploi stationnaire plutôt que croissant.

À quoi rime, dans ce contexte, le mouvement incertain des indices boursiers? C'est que, d'une part, les faibles rendements sur les obligations encouragent le placement en bourse; mais que, d'autre part, les investisseurs comprennent que les coupes budgétaires aux États-Unis et le rock and roll financier en Europe compromettent la reprise économique en Occident pour un bout de temps.

Ils ont bien raison d'être inquiets.