Depuis le début de l'été, on entend beaucoup parler de Dominique Strauss-Kahn dans l'actualité. Au Québec, on n'ose plus trop se prononcer. Avant, on condamnait DSK. Maintenant, on se rabat, on suspecte. À la tête du FMI et à l'aube des primaires du Parti socialiste en France, on peine à croire qu'il aurait pris un aussi grand risque.

De nos jours, la politique peut constituer un bon véhicule pour étancher sa soif de pouvoir. Mais l'accès à un statut social et à des fonctions privilégiées peut donner aux individus la fausse impression d'être supérieurs aux autres.

Dans la vie courante, cette croyance du «tout m'est dû» peut se manifester de diverses manières. Certains tiennent à affirmer leur prétendue supériorité en refusant d'être traités comme des citoyens «ordinaires», d'autres agissent sans considération face aux autres, refusant toute contrainte externe. Ceux qui ont suivi les récents dénouements du procès de DSK admettront que ce dernier semble bien incarner ces deux traits de caractère. Même que pour ses avocats grassement payés, la question de l'innocence ou de la culpabilité de DSK importe peu.

De façon moins apparente, la sexualité peut aussi être la manifestation d'un désir de dominer. Et comme l'argent va souvent de pair avec l'illusion narcissique, l'individu qui n'en manque point voit les obstacles à ses désirs diminuer de façon drastique. Il peut pratiquement tout acheter : des sourires, des corps, une écoute douce et admirative, des faveurs sexuelles au gré de ses fantasmes et de son portefeuille.

Selon la police new-yorkaise, une vidéo de surveillance enregistrée aux petites heures de la nuit précédant l'incident montre DSK prenant l'ascenseur de son hôtel accompagnée d'une jeune femme. Or, quelques heures plus tard, il n'a commandé qu'un seul petit déjeuner à sa chambre...

Au cours de la soirée ayant précédé son arrestation, M. Strauss-Kahn aurait également sollicité séparément deux employées de l'hôtel. Elles ont toutes deux refusé l'invitation. Or, lorsqu'on lui refuse quelque chose, l'individu atteint du syndrome du «tout m'est dû» se bute à une réalité particulièrement souffrante. Et quand cela survient, il peut redoubler d'ardeur dans son désir de reconquérir le pouvoir qu'il a l'habitude d'avoir sur l'autre. Il est donc possible que ces refus aient représenté une source de frustration pour DSK, en plus de constituer pour lui un incitatif à se trouver une partenaire sexuelle rapidement et «coûte que coûte».

Certains s'étonnent que la présumée victime de DSK ne corresponde pas aux canons de beauté usuels. Toutefois, lorsque presque tout est accessible, ce qui devient excitant, c'est l'insolite, le risque de se faire prendre tout en continuant à transgresser ces normes qui menacent de nous sanctionner... sans jamais y parvenir. Dans ce cas, la beauté de l'objet convoité n'est donc pas nécessairement la principale source d'érotisation. C'est plutôt le plaisir de briser une limite qui excite et incite l'homme de pouvoir à pourchasser sa proie.

Il n'existe pas qu'un seul type d'agresseur sexuel. Cela dit, la prise de pouvoir sur l'autre et le désir de le dominer demeurent généralement le principal facteur de motivation. Pour l'agresseur, maîtriser et contraindre sa victime représente quelque chose d'érotisant. Plus il y a oppression, donc domination, plus le geste tend à devenir excitant. Quand l'agression prend place dans la sphère privée, l'interdit agit souvent à titre de stimulus et ajoute une dose de fébrilité, d'ivresse à l'acte. Ainsi l'agresseur confirme sa supériorité, son droit acquis de faire ce que bon lui semble quand bon lui semble.

S'il y a eu agression, ce n'est pas uniquement en raison d'une montée de libido. L'agression sexuelle répond à un profond désir de dominer l'autre, elle représente une prise de pouvoir. Or ce pouvoir, loin d'être sanctionné, est plutôt en train d'être entériné par les rouages d'un système juridique qui, finalement, reste au service de l'intérêt des forts.