L'auteur est enseignant de monde contemporain et de géopolitique en 5e secondaire au collège Durocher Saint-Lambert. Il réagit à l'opinion de Marc Simard, intitulée «Une démission calamiteuse», qui a été publiée mercredi dernier.

«Démission collective», «nivellement par le bas », «calamité».  Voici quelques-uns des adjectifs employés pour caractériser les futurs enseignants québécois et la qualité générale de la cohorte étudiante actuelle.  Dans son texte, Marc Simard nous explique pourquoi le système s'en va à la poubelle.  Venant d'un professeur de cégep, qui a devant lui le résultat final de l'éducation générale au Québec, il y a de quoi frémir! Heureusement, ce texte est entièrement faux et ne fait que véhiculer des préjugés.

Je suis aussi face à des étudiants qui ont de graves lacunes langagières.  Des textes tellement bourrés de fautes qu'ils sont irrecevables, voire illisibles. Doit-on y voir une dégradation générale du système scolaire québécois? Si on se base sur la croyance populaire du «tout était meilleur dans mon temps», oui.

Cependant, cette réponse est tellement inadéquate qu'elle constitue une malhonnêteté intellectuelle grave. L'OCDE publiait l'automne dernier une étude qui démontre que les élèves québécois se classent deuxièmes en Occident pour la lecture et la compréhension de textes.

Alors comment est-on arrivés à conclure que nos élèves sont des «cancres paresseux»? Ma propre expérience me porte à croire que les porteurs d'un tel mensonge sont incapables de se souvenir correctement d'eux-mêmes en tant qu'adolescents (pas toujours le plus flatteur des souvenirs).

Si un étudiant en enseignement doit refaire quatre, cinq ou même six fois un examen de français avant de pouvoir enseigner, cela ne démontre-t-il pas sa propre motivation à devenir enseignant? S'il arrive plus difficilement que les autres au même niveau, qu'est-ce que cela change? Rappelons que la formation requise pour devenir enseignant au Québec n'est pas une sinécure. Quatre années à l'université qui ne mènent invariablement qu'à une seule issue: l'enseignement.

On veut des profs motivés et motivants, qui transmettent leur passion. On est tous d'accord. Comment y arriver? Certainement pas en refusant parmi les plus motivés des futurs profs. D'affirmer que «les meilleurs élèves ne se dirigent pas vers l'enseignement» et d'utiliser ce fait pour expliquer l'appauvrissement intellectuel de nos élèves démontre une compréhension très limitée du problème. Les «meilleurs», seraient incapables de comprendre les difficultés d'un élève puisqu'ils n'en ont jamais eu eux-mêmes. Au primaire et au secondaire, nous ne formons pas des académiciens, nous formons des individus. Cette tâche requiert de l'ouverture d'esprit, de la flexibilité et beaucoup de résilience.  Les meilleurs profs ce sont ceux qui, en premier lieu, veulent être prof.

Les statistiques démontrent que le Québec actuel est plus lettré et plus diplômé que les générations précédentes. Si certains se souviennent avec nostalgie d'un temps où les profs étaient plus dures, ils oublient qu'une importante partie de la société n'allait carrément pas à l'école à cette époque.  La seule véritable méthode éprouvée pour améliorer la qualité de l'éducation est l'augmentation du ratio prof/élèves. En cette époque de restriction budgétaire et de sclérose collective, ce n'est pas demain la veille. Mais, de refuser l'accès à la profession d'enseignant à des gens motivés et compétents aurait un effet plus que néfaste.