Une fois de plus, le temps des vendanges cogne à nos portes. Les Québécois adorent le vin, c'est bien connu, et ils en consomment énormément, comparativement aux autres Canadiens. Un Québécois boit en moyenne environ cinq litres de vin de plus par année qu'un Canadien d'une autre province. Par contre, en Ontario et dans le reste du Canada, les consommateurs apprivoisent le vin et apprécient la complexité des arômes. D'ailleurs, la consommation de vin par habitant au Canada devrait atteindre 16,7 litres d'ici à l'an prochain. La demande nationale du vin partout au Canada est ainsi en nette augmentation, mais notre production vinicole demeure anémique.

La consommation de vin au Canada n'est satisfaite qu'à 14% par la production nationale en volume. Au Québec, ce ratio est pire. En raison d'une industrie nationale immature, le Canada est le cinquième plus grand importateur de vins au monde. Puisqu'ils se sont habitués aux vins européens de grande qualité, les amateurs québécois boudent les vins canadiens, comparativement aux autres consommateurs dans le reste du Canada.

Toutefois, il est difficile de blâmer le consommateur québécois. Il achète ce qu'on lui offre. Pour toutes sortes de raisons, les vignerons québécois peinent à vendre leurs produits par le truchement de la Société des alcools du Québec (SAQ), qui jouit d'un pouvoir monopolistique important. De plus, la stratégie promotionnelle des vins québécois par la SAQ n'est pas très reluisante non plus.

C'est en entrant dans une succursale de la SAQ que l'on réalise que de vendre des vins québécois n'est tout simplement pas une priorité stratégique pour la société d'État. Les vins québécois se retrouvent souvent sur les derniers étalages au fond des magasins, difficilement repérables en quelques minutes.

Pendant ce temps, dans la province voisine en Ontario, la promotion des vins ontariens se fait de façon impressionnante. La LCBO, équivalent de la SAQ, n'a vraiment de leçon à recevoir de personne en matière de distribution et de commercialisation de ses produits domestiques. Pratiquement chaque semaine, la LCBO envoie un dépliant publicitaire dans les grands quotidiens pour faire la promotion de ses produits, notamment les vins provenant de l'Ontario. Pareillement, le positionnement des produits vinicoles ontariens dans les succursales de la LCBO crève les yeux. Ces produits se retrouvent souvent dans la première allée, en entrant dans le magasin, tout près des caisses, et sont offerts à des prix très abordables.

Pour complémenter le tout, les vins ontariens se sont bien positionnés auprès des grands détaillants en alimentation depuis quelques années. Les géants du détail tels Loblaws, Sobeys et Metro ont accueilli de petits commerces à la sortie de leurs magasins, où l'on retrouve exclusivement des produits ontariens.

La LCBO a donc compris une chose essentielle en marketing: les produits abordables et accessibles se vendent. Ce n'est donc pas un hasard que près de 50% du vin bu en Ontario, provient des vignerons du Niagara et la région Prince Edwards. C'est pour cette raison que la filière vinicole ontarienne est en pleine expansion.

Bien sûr, au Québec, la SAQ doit composer avec un marché plus exigeant, plus raffiné. Les Québécois recherchent les vins de qualité. Le climat empêche certains vignerons de produire suffisamment pour offrir un niveau d'approvisionnement acceptable pour la société d'État. Plusieurs dépendent de l'agrotourisme et des marchés publics pour vendre leurs produits. Néanmoins, comparativement à la LCBO, les politiques de commercialisation de la SAQ pour les produits intérieurs apparaissent intransigeantes et préjudiciables envers les vignobles québécois.

C'est bien dommage. Les Québécois sont fiers et adorent acheter des produits de chez eux. Donnons-leur au moins une chance d'apprécier des produits québécois, accessibles, à prix abordables.