Les citoyens peuvent-ils déclencher une procédure référendaire? Les adversaires de cette idée y ont vu du «populisme» et d'autres, plus virulents, une «dictature du peuple».

D'abord, il est faux de prétendre qu'il s'agit d'une idée saugrenue ou dépassée. L'application du principe d'initiative populaire est en pleine croissance depuis 1945. On la retrouve en Allemagne, aux États-Unis, en Suisse, en Autriche ou en Italie. La Colombie-Britannique vient de vivre son premier référendum amorcé par la population, et l'anarchie n'a pas eu lieu.

Si cette idée était farfelue, elle n'aurait pas été inscrite par les 27 gouvernements de l'Union européenne dans le Traité de Lisbonne de 2007. Les législateurs français de droite comme de gauche ne l'auraient pas récemment intégrée d'une manière originale à la constitution.

Il est également faux de prétendre que quelques «zélotes» pourraient l'accaparer. En fixant la barre à 10%, et plus encore à 15% des électeurs inscrits, c'est pratiquement impossible. La pétition demandant la démission du premier ministre Charest, bien que relayée à grande échelle, n'est pas parvenue à recueillir l'appui de 250 000 personnes, soit 4% des électeurs inscrits. Et ceux qui craignent des référendums à répétition, comme en Suisse, doivent savoir que là-bas, seulement 100 000 signatures sont requises, soit huit fois moins que la proposition présentée ici.

Enfin, certains prévoient un «cafouillage» si un gouvernement devait se voir imposer la tenue d'un référendum sur une question qu'il ne souhaite pas. Dans les municipalités du Québec, l'initiative populaire est en place sans que l'anarchie ait lieu.

Au Québec, cette idée est non seulement soutenue par les Bernard Drainville, Pierre Curzi et certaines franges du mouvement souverainiste, mais elle a également été proposée par Mario Dumont en 2000, même par René Lévesque en 1984. Les libéraux de Jean Charest ont été les premiers à l'appliquer ponctuellement en 2004 pour résoudre l'épineux problème des fusions municipales: 89 consultations se sont tenues dans autant de municipalités, lorsque 10% des gens signaient le registre.

Dans un régime comme le nôtre, il manque de contrepoids au pouvoir du premier ministre, du moins lorsqu'il dirige un gouvernement majoritaire. Les médias et les groupes de pression peuvent s'exprimer, mais il y a peu de mécanismes institutionnels qui permettent de contrecarrer les volontés du bureau du premier ministre entre deux élections générales.

La prémisse des opposants à une telle réforme renvoie souvent au spectre d'une irrationalité populaire. Or, ce droit doit être encadré; un référendum ne pourrait par exemple contrevenir aux droits fondamentaux. Il existe aussi des délais, des procédures, qui permettent l'existence d'un débat serein.

Certains ont craint que tous les péquistes s'empressent de signer un tel registre pour déclencher un référendum sur la souveraineté. Les gens ne sont pas suicidaires. Les sondages nous indiquent que presque la moitié d'entre eux n'en veulent pas à court terme. La démocratie présume que les citoyens sont raisonnables; ce sont les dictatures qui définissent la majorité comme incapable.

Évidemment, les référendums d'initiative populaire ne constituent pas un mécanisme sans défaut. Mais de tous les projets de réforme, celui-là est peut-être le plus simple, le plus facile à implanter et celui qui chamboule le moins nos institutions politiques.

L'ajout de l'initiative populaire comme possibilité s'inscrit dans une tendance fondamentale qui donne plus de pouvoirs aux populations parce que celles-ci sont plus instruites, plus informées et mieux organisées. Les partis politiques ne sont plus aussi fédérateurs et rassembleurs qu'autrefois. Les parlements doivent partager ce qui est peut-être devenu trop lourd pour leurs seules épaules.

Avant d'assassiner cette idée, les intervenants publics devraient faire la part des choses. Une idée de réforme n'a pas à être parfaite pour être bonne. À ce compte-là, on ne fera rien; et l'immobilisme tant décrié l'emportera contre tout espoir.