La porte que semble vouloir ouvrir la CAQ par rapport à l'évaluation des enseignants pourrait nous amener sur une pente glissante.

Depuis le début de ma carrière, j'ai eu le plaisir d'enseigner dans quelques milieux assez différents les uns des autres, du quartier populaire d'Hochelaga-Maisonneuve jusqu'au secteur plutôt cossu de Hull, dans la ville de Gatineau. De facto, la réussite scolaire est beaucoup moins évidente pour les élèves qui proviennent de milieux défavorisés. Or, je ne crois pas être davantage un mauvais enseignant parce qu'une année, la moyenne de mon groupe a été plus basse à cause de facteurs socioéconomiques.

Une comparaison entre des milieux différents peut avoir des effets pervers. D'abord, de rendre les écoles de quartiers plus défavorisés beaucoup moins attrayantes, puis, dans certains cas, d'amener des enseignants à hausser volontairement leurs notes pour éviter de se faire taper sur les doigts.

Il se trouvera certains grands défenseurs de la CAQ pour dire que les notes ne seront pas le seul facteur sur lequel pourraient se baser de telles évaluations. Mais quels seraient les autres facteurs envisagés? Baisser de 5% les exigences dans les milieux à faible revenu? Ce serait totalement arbitraire. Faire une longue et douteuse formule mathématique pour tenter de déceler un indice socio-économique à la réussite scolaire? Encore là, les conclusions pourraient être très discutables. Pensons à un milieu comme la Beauce où le décrochage scolaire est assez élevé, mais où le tissu économique est vivant et dynamique comme nulle part ailleurs!

Il faut éviter de faire de la réussite scolaire une question froide de chiffres. Il s'agit plutôt d'une question de coeur où le mur à mur n'a pas sa place.

Et qui serait responsable de poser le diagnostic sur les enseignants évalués? Presque tous les jours, on peut entendre des enseignants tempêter contre les gens du Ministère ou des commissions scolaires en les disant déconnectés de la réalité des écoles. Certains pourraient donc être portés à se retourner vers les directions d'écoles pour mener ces évaluations. Mais que faire des directeurs eux-mêmes incompétents? Il y en a probablement autant que des enseignants incompétents! À moins de revenir à l'inspecteur des Filles de Caleb, je ne vois sincèrement pas qui pourrait mener une telle évaluation.

Souvent, à force de répéter quelque chose, on finit par croire que c'est vrai. C'est le cas du mythe des enseignants incompétents. Ils sont très peu nombreux, mais certains en parlent tellement qu'on dirait presque qu'ils représentent une véritable menace pour le système d'éducation québécois. Or, si problèmes il y a chez certains, ce n'est pas quand ils sont rendus en poste qu'on devrait tenter de les déceler, mais plutôt au début de leur formation. Nous aurions tout à gagner à revoir totalement le contenu des cours universitaires visant à former de nouveaux enseignants. Les exigences au niveau de la langue devraient aussi être resserrées pour les enseignants en devenir.

Il y a aussi une dichotomie frappante entre les dires et les véritables actions de certains politiciens. Alors que plusieurs enseignants, dont je suis, aimeraient prendre toutes les opportunités possibles pour parfaire leur enseignement en suivant diverses formations, dans les milieux scolaires, on leur répond qu'ils ne peuvent en suivre que deux ou trois par année scolaire, faute de financement. Et la situation était exactement la même lorsque François Legault était ministre de l'Éducation!

La profession enseignante est exigeante, plusieurs la décrivent d'ailleurs comme une vocation. Dans certains secteurs d'enseignement, on parle de pénurie. Il faudrait éviter de démotiver ceux qui veulent en faire leur métier en ayant une attitude castratrice et moralisante. Il faut miser davantage sur une meilleure formation des nouveaux maîtres et sur une formation continue en évitant de chercher des coupables pour tout et pour rien.