Dans un dialogue intitulé Protagoras, le philosophe grec Platon met en scène Socrate discutant avec le jeune Hippocrate. Le futur père de la médecine se propose d'aller s'instruire auprès de l'un de ces marchands de faux savoir qui pullulaient dans l'Athènes de l'époque, le sophiste Protagoras. Socrate lui explique que comme il ne faut pas mettre la santé de son corps entre les mains du premier venu sans s'être auparavant assuré de sa compétence, il ne faut pas non plus confier son âme à n'importe qui. Il faut d'abord s'assurer qu'il n'est pas un imposteur qui pourrait venir bousiller notre esprit avec de faux enseignements. Si l'on prend soin de la santé de son corps, argumente Socrate, ne serait-il pas cohérent de prendre également soin de ce que nous avons de plus précieux, notre esprit?

Deux millénaires et demi plus tard, nous convenons tous aisément qu'il est juste de radier un médecin incompétent, puisqu'il met en péril la santé du corps de ses patients. Mais pourquoi n'apparaît-il pas évident qu'il faille aussi démettre de leurs fonctions les mauvais enseignants? La sécurité d'emploi quasi absolue dont jouissent les enseignants ayant obtenu leur permanence me semble une totale aberration. Comment peut-on aussi peu se préoccuper de la qualité de l'éducation que reçoivent les jeunes du Québec?

Voilà pourquoi je crois qu'il est impératif de s'assurer de la qualité de la formation que reçoivent les jeunes dans nos écoles au moyen d'un processus d'évaluation de l'enseignement. Mais comment faire? Il faut évidemment proscrire l'évaluation par les pairs afin d'éviter les risques de copinage et de conflits d'intérêt. D'où la nécessité de créer un ordre professionnel des enseignants, comme il en existe pour toutes les professions qui se respectent.

Cet ordre professionnel devrait se doter d'instruments d'évaluation qui évaluent réellement la compétence de l'enseignant et non pas sa popularité ou sa capacité de séduction auprès des élèves. Ce n'est pas la performance des élèves qu'il faut évaluer, mais la qualité de l'enseignement qui leur est dispensé. Pour ce faire, un inspecteur de l'ordre pourrait assister à des prestations de l'enseignant en classe, le matériel pédagogique de l'enseignant pourrait être soumis à une évaluation de sa qualité et de sa pertinence, et les instruments d'évaluation des apprentissages élaborés par l'enseignant pourraient être évalués par des représentants de l'ordre.

En tant qu'enseignant, je ne pourrais que me réjouir de la création d'un ordre professionnel. Il est temps de redonner ses lettres de noblesse au plus beau métier du monde.