La situation économique américaine est le résultat de facteurs profondément structurels, qui auront des effets persistants. Il ne s'agit pas d'un simple épisode temporaire et conjoncturel. Cela devrait nous interpeller, car notre destin économique est en quelque sorte lié depuis toujours à celui de nos voisins du Sud, qui achètent 70% de nos exportations.

Plus les États-Unis mettront du temps à se rétablir, plus nous risquons nous aussi de vivre des moments difficiles, même si nous arrivons à éviter la récente montée du protectionnisme.

La conjoncture se forge suivant des cycles économiques, appuyés par des politiques de stabilisation appropriées, lors de ralentissement ou de récession; politiques qui, généralement, fonctionnent assez bien, quand elles interviennent au moment approprié. Nous l'avons observé lors de la dernière récession, où le gouvernement du Québec a été particulièrement efficace, nous permettant de passer au travers de ces moments difficiles. Depuis 2010, le Québec a d'ailleurs créé deux fois plus d'emplois qu'il en a perdu pendant la récession. Les États-Unis n'ont pas eu cette «chance» avec une récupération de moins de 15% des 8,4 millions d'emplois perdus.

Les causes structurelles sont plus difficiles et surtout plus longues à corriger, s'adressant aux fondations mêmes du système économique. Ce sont elles qui grugent l'économie américaine, de l'intérieur d'abord, et de l'extérieur par la vive concurrence des pays émergents qui déplacent l'épicentre de la production mondiale et de la création de richesses.

Sur le plan intérieur, avec une dette publique et privée combinée qui représentait 419% du PIB en 2010, le gouvernement américain a de moins en moins les moyens de ses prétentions comme catalyseur de l'économie.

Les consommateurs, quant à eux, ne pourront constituer encore longtemps le moteur principal de la croissance économique avec un tel niveau d'endettement, du fait également que leur revenu réel n'a pas augmenté depuis 1980.

Par ailleurs, la délocalisation des emplois américains a atteint des proportions inquiétantes et touche maintenant tous les secteurs, même ceux de la haute technologie. Les entreprises américaines de technologies de l'information, par exemple, créent 10 fois plus d'emplois dans les principaux pays d'Asie qu'elles ne le font sur le territoire américain.

La dernière récession a certes été catastrophique pour l'emploi aux États-Unis dont le taux de chômage, en incluant les travailleurs découragés, atteint aujourd'hui les 16,5%. Mais cette lame de fond de la délocalisation introduit une portion rigide et difficilement compressible du nombre de sans-emploi et constitue une menace certaine à la reprise de la croissance économique.

Devant tant d'adversité et de défis colossaux à relever, les indices de confiance en l'avenir des citoyens américains sont au plus bas. Et alors qu'ils devraient retrousser leurs manches et mettre leur énergie et leur intelligence à trouver des solutions pour empêcher le paquebot de sombrer, les élus de la droite américaine assombrissent le portrait par des débats idéologiques, partisans, obtus et déchaînés.

L'économie américaine mettra du temps, beaucoup de temps, avant de connaître des jours meilleurs. Ce qu'elle vit à l'heure actuelle est plus qu'une reprise anémique, en panne de stimuli. Cela ressemble à un véritable ressac.

Il nous faudra, ici, user d'imagination et d'initiatives pour en compenser les effets et tenir compte également des secousses qui ébranlent la zone euro. Plus que jamais, la recherche d'autres marchés pour nos exportations, en Asie ou au sein de tous les pays du BRIC notamment, les possibilités offertes par le Plan Nord, enrichi de mesures incitatives à la deuxième et troisième transformation, et d'autres plus agressives sur le plan des partenariats public/privé dans les projets d'investissement, l'éducation et la formation pour raffermir notre productivité, devront faire partie des outils de notre stratégie de redéploiement.

L'auteur est économiste et conseiller principal au cabinet de relations publiques NATIONAL.