Je déteste l'idée de faire des enfants en prenant pour acquis que, lorsqu'on ne touchera plus le généreux congé parental auquel on a droit, on le confiera aux bons soins d'un CPE pour la modique somme de 7 $ par jour. N'empêche, quand on largue les amarres et qu'on décide de plonger dans la parentalité en se disant que le doux nuage du système de garde québécois va nous accueillir, on se fout le doigt dans l'oeil jusqu'au coude. Et ce n'est souvent, lorsqu'on a des deux mains dedans (parfois aussi jusqu'aux coudes), qu'on se rend compte de notre grande naïveté.

La définition du mot système (comme dans système de garderie) se lit comme suit: «Ensemble des règles et des étapes à suivre dans le fonctionnement d'une entité abstraite». Oui, il y en a des étapes à suivre et je suis prête ici à vous faire bénéficier de ma vaste expérience en la matière.

La première étape d'entrée dans le système doit être franchie à la deuxième semaine de grossesse, quelques heures passées l'euphorique moment où on brandi le test de grossesse sous le nez de notre chum. À notre arrivée au bureau, alors qu'on crie la nouvelle en silence à notre meilleure amie sur Facebook survient le premier point d'interrogation: «tu t'es inscrite sur enfance-famille.org?» Euh... On ouvre alors une autre fenêtre et on signale la grenouille à naître en cochant les 40 garderies situées dans un rayon de 30 km de la maison et du boulot, en ne sachant ni le sexe, ni le nom, ni la date prévue de la naissance (des détails!).

Trois mois plus tard, quand on annonce enfin la grande nouvelle aux collègues, l'adjointe du patron nous prend à part: «L'éducatrice de Loïc prend déjà des noms et si tu es prête à l'inscrire à six mois et payer pendant que tu es encore en congé de maternité, je peux lui dire de te garder une place...» Deuxième étape. Le hic, c'est que le milieu de garde de Loïc est à Brossard et que vous habitez et travaillez sur l'île. Vous passez tout droit, ne récoltez aucun point et arrivez à la troisième étape quelques semaines après l'accouchement (entre temps, vous avez évidemment mis à jour le profil de votre enfant sur le site d'enfance-famille tous les six mois, pour ne pas qu'il soit désactivé). Alors que vous vous baladez avec la babillante merveille, vous vous rendez compte que le super CPE au coin de la rue ne figure PAS SUR LA LISTE des garderies affiliées à enfance-famille. Vous entrez et, le souffle court, vous demandez à inscrire votre enfant âgé de trois semaines sur la liste d'attente: «Ma pauvre madame... Vous avez pris neuf mois de retard!» On est en 2009. Vous vous dites: 2011, c'est pas si loin... Vous repensez à la maman de Loïc.

Quelques mois s'écoulent. Vous vous baladez toujours et vous remarquez une armada de poussettes devant une maison de votre quartier. N'écoutant votre courage, vous sonnez à la porte (il est 14h, c'est la sieste, mais vous l'ignorez.) Jackpot! C'est une garderie en milieu familial subventionnée. Bébé est encore beaucoup trop jeune. La dame vous rappellera dans 3 mois. Vous notez la date à l'agenda. Vous attendez. C'est le début de l'hiver. Vos prestations de congé de maternité vont bientôt cesser. Le téléphone ne sonne pas. Vous l'appelez. «Oui! J'avais perdu votre numéro. J'ai pris un autre enfant, mais on peut s'arranger...»

Et c'est comme ça que les étapes et les marches à suivre prennent vite le bord. C'est comme ça aussi que vous vous rendez en vain à une autre super garderie du coin pour vous faire dire qu'on ne prend que les enfants dont les parents sont étudiants à l'UQAM. Vous songez à faire comme votre amie qui suit maintenant des cours dans le seul but de bénéficier des services de ladite garderie... Vous avez aussi écumé les garderies privées qui sentent, disons-le franchement, l'arnaque.

L'article dans La Presse sur les milieux familiaux privés d'il y a deux semaines finit de vous hérisser le poil. Avec tout ça, l'automne 2011 arrive et le CPE du coin de la rue ne vous rappelle toujours pas. Et puis, ce matin, vous lisez encore La Presse et le déclic se fait: vous avez un garçon et, de surcroît, il est né en avril. Vraiment. Pas de chance.