Alors que les scandales se succèdent dans la politique provinciale et fédérale avec toutes ces histoires de gaspillage de fonds publics, copinage et autre graissage de patte, un mot revient constamment sur les lèvres pour décrire la réaction du citoyen québécois: cynisme.

Devant l'ampleur de la corruption qui ronge les fondations de nos institutions publiques tel un cancer, et devant le manque d'initiative et de vision de la classe politique actuelle, nous, en tant que société, avons choisi d'être cyniques. Désabusés, nous nous résignons. Nous déclarons notre impuissance et rêvons de jours meilleurs en attendant un éventuel «changement».

En fait, notre cynisme est de l'apathie. Il émane d'une paresse collective qui nous empêche de nous indigner et de provoquer de véritables changements.

Si notre premier ministre québécois s'entête à ne pas déclencher de commission d'enquête sur le milieu de la construction, et se permet même de faire de l'humour douteux avec le rapport Duchesneau appuyé par les rires en canne de ses «yes men», c'est parce qu'il sait très bien que nous sommes beaucoup trop dociles et que notre revendication à ce sujet n'ira jamais plus loin que de répondre à un sondage sur la question.

À part pour réclamer le retour des Nordiques, nous ne sortons plus beaucoup dans la rue ces jours-ci. C'est drôlement plus confortable et facile de rester chez soi à regarder le hockey ou des téléréalités bon marché en buvant sa bière.

Se déclarer cynique n'est rien d'autre qu'un moyen de déclarer son indignation sans s'engager véritablement dans une action concrète et opérante. Aussi longtemps qu'on va se laisser endormir par les multinationales qui tentent par tous les moyens de nous convaincre des mérites de l'individualisme en idéalisant le cocooning, et les méfaits de la réflexion en prônant l'hégémonie d'un divertissement facile et décérébré, nous serons condamnés non pas au cynisme, mais à l'apathie. Soit un état moral et mental idéal pour laisser aux deux ordres de gouvernement le loisir de nous imposer sans vergogne une kyrielle de décisions qui ont pour effet de nous appauvrir financièrement, d'hypothéquer l'avenir de notre planète et de nous ramener socialement 40 ans en arrière. Et cela, au profit d'une minorité économique et morale qui exerce sur les dirigeants politiques une pression digne des pires républiques de bananes.

J'exagère? Et pourtant, on accepte qu'une «taxe santé» soit imposée à tous les contribuables, peu importe leur revenu. On considère comme une fatalité les compressions draconiennes pour «apaiser» un marché qui ne profite pleinement qu'à une élite capitaliste. On ne dit rien lorsque sont décrétées des réductions de budget dans le domaine de la culture et de l'environnement qui servent à augmenter les budgets de la défense et de la sécurité (vive la prison, au diable la prévention!).

Face à tout ça, qu'avez-vous fait? Rien. Et moi non plus. Comme vous, j'attends avec impatience le retour du hockey et des aventures médicales de Dr House. Comme vous, je fantasme sur les photos de décor du dernier catalogue Ikea. Comme vous, je suis apathique. Au moins, j'aurai écrit cette lettre.