Au cours des 10 dernières années,  le prix des maisons de la grande région de Montréal a plus que doublé, enregistrant une augmentation annuelle moyenne de près de 9%. Par contre, au cours des années 1990, l'augmentation annuelle moyenne n'a été que de 0,5%.

Plusieurs facteurs ont permis au prix des maisons de s'envoler, dont des taux d'intérêt à des niveaux historiquement bas ainsi qu'un assouplissement des conditions de crédit pour l'obtention d'une hypothèque. Ces facteurs étaient également à la source d'un boom immobilier dans d'autres pays tels que les États-Unis ainsi que la Grande-Bretagne. Ces deux pays ont vu le prix moyen des maisons diminuer significativement au cours des dernières années. Entre 2007 et 2011, la baisse a été de près de 30% aux États-Unis et de 9,5% en Grande-Bretagne.

Est-ce que ce destin épargnera la grande région de Montréal? De nombreux éléments portent à croire que non.

D'abord, on constate depuis quelques mois un ralentissement des ventes de maisons sur le territoire, malgré des taux d'intérêts encore très faibles. Durant la première moitié de l'année, le nombre de transactions dans le marché immobilier de la grande région de Montréal a chuté de 9,5% par rapport à la même période l'année dernière. Il est vrai que 2010 a été une année record pour les ventes. Cependant, le deuxième trimestre de 2011 marquait également la cinquième baisse consécutive dans le nombre de transactions immobilières.

Il est possible que ce ralentissement du nombre de transactions freine éventuellement la hausse des prix à laquelle nous avons assistée durant les dernières années. Le niveau historiquement élevé de l'endettement des ménages est peut-être l'un des facteurs expliquant le récent ralentissement du marché.

L'endettement des Canadiens a récemment atteint un niveau historique de plus de 150% du revenu disponible. D'ailleurs, le gouverneur de la Banque du Canada, M. Marc Carney, s'est adressé aux Canadiens à plus d'une reprise durant la dernière année afin de les inciter à être prudents dans leur investissement sur le marché immobilier. Plus le niveau d'endettement des ménages augmente, plus leur capacité à emprunter est restreinte. Par conséquent, l'achat d'une maison dans la grande région métropolitaine s'avère de plus en plus difficile, d'autant plus que les maisons sur le territoire sont de moins en moins abordables. Le niveau record d'endettement des ménages peut donc entraîner une diminution du nombre d'acheteurs potentiels sur le marché immobilier. Cela peut ensuite diminuer le nombre de transactions immobilières et éventuellement freiner la croissance du prix des maisons.

Une possible récession

Les perspectives économiques mondiales se sont considérablement détériorées au cours des dernières semaines. Il est possible que le Canada doive affronter une autre récession durant la prochaine année. Dans cette éventualité, des pertes d'emploi seraient à prévoir. En raison d'un niveau élevé d'endettement, certains ménages pourraient alors se retrouver face à d'importants problèmes financiers. Cela inciterait certains d'entre eux à repousser l'achat d'une maison et d'autres pourraient avoir de la difficulté à rembourser leur hypothèque, et possiblement faire faillite. Il y aurait donc moins d'acheteurs sur le marché immobilier et une augmentation des maisons à vendre. Ces deux facteurs pourraient donc ralentir considérablement l'augmentation du prix des maisons, et même occasionner une baisse de celui-ci.

Puisque le gouvernement canadien est préoccupé par la situation financière des ménages, des mesures ont été prises  afin de resserrer les conditions de crédit pour l'obtention d'une hypothèque. Ainsi, les emprunteurs doivent maintenant avoir une mise de fonds initiale de 5% de la valeur de la propriété et la période d'amortissement maximale pour une hypothèque est passée de 40 à 30 ans. Il est possible que ces mesures aient déjà eu un impact sur le marché immobilier du grand Montréal, et qu'elles soient l'un des facteurs derrière le récent ralentissement du nombre de transactions.   

Les conditions de crédit des emprunteurs pourraient être resserrées davantage dans les prochaines années. Grâce à la solidité du système banque canadien, l'économie canadienne a réussi à traverser la récession de 2009 avec peu de dommages. Contrairement aux banques américaines et anglaises, les banques canadiennes ont pu éviter de lourdes pertes financières puisque elles n'étaient pas particulièrement exposées aux actifs dits «toxiques».  Cela leur a permis, malgré la récession, de continuer à prêter aux ménages et aux entreprises, sans avoir à resserrer  les conditions de crédit.

Toutefois, tel que mentionné dans une note récente de Moody's, une portion importante des revenus des grandes banques canadiennes dépend de la situation financières des ménages canadiens. Par conséquent, les revenus des banques pourraient être considérablement affectés advenant une détérioration de la situation financière des Canadiens (notamment en cas de récession). Dans cette éventualité, l'une des mesures que pourraient prendre les banques pour éviter un accroissement des défauts de paiement sur les hypothèques serait de resserrer les conditions de crédit aux particuliers (tel qu'il s'est produit aux États-Unis et en Grande-Bretagne durant la dernière récession). Cela pourrait donc rendre l'obtention d'une hypothèque encore plus difficile et ainsi ralentir davantage le marché de l'immobilier.

À plus long terme, peu importe si le Canada traverse une autre récession ou non, les taux d'intérêt augmenteront. Si les ménages  sont toujours aussi endettés qu'en ce moment, ils seront alors très vulnérables à une hausse des taux d'intérêt, laquelle pourrait entraîner un certain nombre d'entre eux vers la faillite. Les maisons de ces derniers viendraient donc augmenter le nombre de maisons en vente sur le marché. De plus, une hausse des taux d'intérêt rendra l'achat d'une maison plus dispendieux, diminuant ainsi le nombre d'acheteurs potentiels. Ainsi, une augmentation des taux d'intérêt pourrait exercer une pression à la baisse sur le prix des maisons.  

Le vieillissement de la population

Une étude récente publiée par la Banque des règlements internationaux et faisant récemment l'objet d'un article dans The Economist fait état d'un lien possible entre le vieillissement de la population et le prix des maisons. Selon cet article, plus la population active augmente, notamment après un baby-boom, plus la demande de maisons augmente, ce qui fait grimper le prix de ces dernières. Par contre, lorsque les baby-boomers se retirent du marché du travail, un grand nombre d'entre eux vendent leur maison, notamment afin de financer leur retraite. Par conséquent, selon cette théorie, le nombre important de baby-boomers au Québec qui partiront à la retraite dans les prochaines années pourrait faire augmenter significativement le nombre de maisons en vente. Cette augmentation pourrait occasionner une baisse du prix des maisons, si le nombre d'acheteurs sur le marché reste intact.

Il est très important de ne pas oublier qu'une maison est un actif financier comme les autres et que son prix peut varier à la hausse comme à la baisse. En tenant compte des facteurs mentionnés précédemment, le boom immobilier qu'a connu la région métropolitaine risque de se terminer prochainement. C'est le futur qui nous dira si, tout au comme aux États-Unis, une bulle s'était formée dans le marché immobilier du grand Montréal durant les dix dernières années.