Le gouvernement Harper devrait avoir honte d'empêcher les Tunisiens au Canada de voter pour implanter leur démocratie.

Un sujet me préoccupe énormément: la décision du gouvernement Harper d'empêcher les Tunisiens demeurant au Canada de voter lors de leur premier scrutin démocratique dans leur pays.

Il y a quelques jours, dans un restaurant à Nouakchott, en Mauritanie, un Tunisien me faisait part de cette décision du gouvernement canadien. Il me disait qu'une loi canadienne empêchait les Tunisiens installés au Canada de voter dans leur pays d'origine. Je lui ai répondu que j'étais très surpris, d'autant plus que les Français résidant au Canada pouvaient, eux, jusqu'à maintenant, voter lors des élections en France.

Je travaille en Afrique depuis quelques années auprès de partis politiques et de gouvernements pour l'implantation de la démocratie. Je vante la démocratie canadienne et québécoise, notre liberté de voter et l'importance pour nous d'élire le gouvernement de notre choix.

Quelle ne fut ma surprise d'apprendre que le gouvernement canadien refusait ce droit aux Tunisiens. D'autant plus que beaucoup d'entre eux ont risqué leur vie pour renverser une dictature et qu'ils ont, pour la première fois, l'occasion de choisir librement ceux qui auront pour tâche principale d'écrire une constitution qui instaurera la démocratie.

Pour moi, qui travaille sur le continent africain pour défendre la démocratie, j'ai l'impression d'avoir, toutes ces années, travaillé dans le vide. Tous mes beaux discours sur la démocratie ont été faits en vain. C'est comme si j'avais semé seulement du vent. Plusieurs Tunisiens demeurant en Mauritanie me demandent des explications au sujet de cette décision. Non seulement suis-je incapable de défendre une telle politique, mais je leur dis que j'ai honte de mon gouvernement qui empêche des gens d'exercer leur droit absolu de choisir librement leurs dirigeants.

Dans une délégation d'observateurs internationaux, il y a des délégués du Canada qui seront en Tunisie le 24 octobre. Imaginez la gêne de ces représentants qui auront à se prononcer sur le processus électoral tunisien quand, à sa base même, le Canada empêche des citoyens tunisiens d'exercer un droit inaliénable, celui de voter.

Si j'étais membre de cette délégation, je dénoncerais mon pays dans le rapport final de la mission d'observation.

Comment le vote des Tunisiens peut-il affecter la souveraineté de mon pays? Le gouvernement canadien craint-il que la démocratie fonctionne en Tunisie? Les Tunisiens qui sont au Canada le sont, dans une très grande majorité, parce qu'ils fuyaient un régime qui les persécutait. Les autorités de la transition veulent inclure tous les citoyens dans la définition de leur constitution. On ne doit pas empêcher ceux qui ont le plus souffert de participer à ce changement majeur en Tunisie.

Le meilleur moyen de permettre à la Tunisie d'accéder au statut d'état démocratique et d'instaurer une démocratie pérenne, c'est de donner le droit à ses citoyens de voter. La raison (perte de souveraineté) invoquée par mon gouvernement ne tient pas la route. Ma fierté d'être Canadien vient d'en prendre un coup.

Pourquoi l'organisme Droits et Démocratie ne dénonce-t-il pas cette décision? Le gouvernement canadien aurait avantage à appliquer ce que cet organisme prêche à l'étranger.

À titre de citoyen canadien vivant à l'étranger, aucun pays ne m'empêche d'exprimer mon choix au moment des élections canadiennes. Pourquoi, mon pays y met-il des entraves?

Il n'est pas trop tard pour que le gouvernement fasse marche arrière.