Pour des raisons économiques, sociales et religieuses, des dizaines de milliers d'enfants ont été placés pour adoption dans les années 40 et 50, en grande majorité par de jeunes mères célibataires pour qui l'abandon de leur enfant était la seule alternative à la sauvegarde de l'honneur et de la réputation de leur famille.

Ces enfants ont maintenant plus de 60 ans et bon nombre d'entre eux ont déjà reçu des centres jeunesse du Québec l'avis officiel du décès de leur mère biologique.

Ces personnes adoptées ont maintenant le droit de connaître le nom de leur mère biologique décédée. On comprend vite en effet qu'à son décès, la mère biologique perdait son droit au respect de sa vie privée, droit qui justifiait de leur vivant, selon la Charte des droits de la personne, le déni du droit d'accès aux origines de l'enfant adopté.

Mais voilà que les centres jeunesse du Québec persistent à considérer le nom des mères biologiques décédées comme des renseignements nominatifs et confidentiels. Pour justifier leur refus d'émettre ces renseignements aux personnes concernées par ces adoptions, les centres jeunesse invoquent l'article 582 du Code civil qui stipule que les dossiers d'adoption d'un enfant sont confidentiels. Cet article de loi s'applique effectivement lorsque les deux parties sont vivants. Au décès de l'une des deux personnes, en loi, c'est le droit d'accès à l'information de l'autre qui prévaut.

L'article 54 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels définit en ces termes ce qu'est un renseignement personnel : «... dans un document, sont personnels les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier.»

La Cour suprême va encore plus loin. Elle confirme en effet dans le célèbre jugement Tremblay c. Daigle (1989), que seules les personnes juridiques peuvent bénéficier des droits constitutionnels inscrits dans la Charte canadienne, et les juges de conclure que la personnalité juridique commence à la naissance pour se terminer à la mort.

Conséquemment, en vertu même de la loi d'accès à l'information du Québec, le nom d'une personne décédée n'est donc pas un renseignement personnel, et selon la constitution canadienne, on ne peut restreindre le droit d'une personne juridique par le droit à la confidentialité concédé à une personne décédée.

En refusant ainsi aux enfants adoptés l'accès au nom de leur mère biologique décédée, les centres jeunesse contreviennent à l'article 54 de la loi d'accès à l'information et à un jugement de la Cour suprême du Canada de 1989, le plus haut tribunal du pays.

Il est donc vrai de dire également que dans leur gestion des dossiers d'adoption, en particulier lors du décès des mères biologiques, les centres jeunesse affichent à l'égard des personnes adoptées une attitude foncièrement discriminatoire qui contrevient autant à la Charte canadienne des droits de la personne qu'à celle du Québec.

Il est donc du devoir du gouvernement du Québec, du ministre de la Justice et des députés de l'Assemblée nationale de rétablir les droits civiques et constitutionnels de cette catégorie de citoyens du Québec.