À l'approche des élections présidentielles du 9 août 2010, le régime de Kigali multiplie les assassinats, les emprisonnements et d'autres formes de répression.

Le 14 juillet, le vice-président du Parti Démocratique Vert, André Kagwa Rwisereka, a été retrouvé mort, son corps quasiment décapité. Peu de temps avant ce meurtre crapuleux, le régime de Paul Kagame avait perpétré d'autres graves violations des droits de la personne, notamment l'assassinat du journaliste indépendant Jean Léonard Rugambage, l'emprisonnement de Me Bernard Ntaganda et de Déo Mushayidi, respectivement présidents du Parti Social-Imberakuri et du Pacte de Défense du Peuple, la mise en résidence surveillée de la présidente des Forces Démocratiques Unies Mme Victoire Ingabire et l'emprisonnement pendant une vingtaine de jours de son avocat américain, le professeur Peter Erlinder, ainsi que la tentative d'assassinat en Afrique du Sud du général Kayumba Nyamwasa.

Cette répression des opposants et des journalistes indépendants a été fortement dénoncée par les grandes organisations de défense des droits de la personne et de la société civile tels que Amnesty international, Human Rights Watch et Reporters Sans Frontières. Certaines d'entre elles ont même recommandé aux bailleurs de fonds de suspendre leur soutien au régime de Kigali et de cesser leur appui financier aux prochaines élections présidentielles. Mais ce qui est inquiétant, c'est le silence assourdissant de ces bailleurs de fonds et des gouvernements occidentaux alliés du régime de Kigali. Même le gouvernement canadien, qui a appuyé la candidature du Rwanda pour son entrée au Commonwealth en soutenant que «le Commonwealth est bien placé pour aider le Rwanda dans le renforcement de ses institutions démocratiques», s'est jusqu'à présent muré dans un mutisme total. Pire encore, certains grands acteurs de la scène internationale qui sont supposés garantir le respect des valeurs démocratiques et la défense des droits de la personne se sont érigés en promoteurs de Paul Kagame au moment même où il tue et emprisonne ses opposants à tour de bras. Ainsi, le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon, l'a nommé pour coprésider la réunion du 15 juillet dernier sur les Objectifs du millénaire pour le développement et il a fallu d'énormes pressions de la société civile et des partis politiques espagnols pour que le président José Luis Zapatero renonce à s'afficher avec celui qu'ils considèrent comme un «présumé génocidaire».

La passivité et la complaisance de la communauté internationale face aux graves violations des droits de la personne au Rwanda sont d'autant plus inquiétantes qu'elles ont déjà démontré dans le passé leurs terribles conséquences. De fait, c'est la non-intervention de la communauté internationale qui a permis l'exécution du génocide rwandais de 1994. C'est cette même passivité qui a conduit à l'extermination en République Démocratique du Congo de plus de 5 millions de personnes lors des guerres initiées par l'armée de Paul Kagame en 1996 et en 1998. C'est aussi elle qui a permis l'assassinat au Rwanda de nos compatriotes canadiens, en l'occurrence le frère François Cardinal, les pères Claude Simard et Guy Pinard, Madame Hélène Pinsky ainsi que celui de beaucoup d'autres citoyens de pays occidentaux.

Les mêmes causes créant les mêmes effets, si les gouvernements qui ont une influence sur le régime de Kigali continuent d'être complaisants à son égard, il est n'y a aucun doute que d'autres drames vont survenir et qu'ils n'affecteront pas seulement les malheureux Rwandais.

Un autre danger de la complaisance de nos gouvernements en occident vis-à-vis de la répression des opposants au régime de Kigali est la contradiction qu'elle introduit dans la justification de l'envoie de nos forces armées là où les valeurs dans lesquelles nous croyons sont bafouées. Comment continuer à avancer avec crédibilité l'argument de démocratie et de défense des droits de la personne pour justifier la présence de nos soldats en Afghanistan tout en restant de marbre devant la décapitation des opposants au Rwanda? Cette brèche créée par nos contradictions ne risque-t-elle pas de faciliter le recrutement chez nos adversaires et de mettre davantage nos concitoyens en danger?

Le peuple rwandais aspire à la démocratie et la diversité ethnique des leaders de l'opposition montre sans équivoque que cet idéal est porté autant par les Hutu que par les Tutsi. Même si le régime de Kagame tente de verrouiller cette issue, les gouvernements occidentaux ont les moyens de l'amener à négocier avec son opposition comme cela a été le cas au Burundi voisin. Mais voudront-ils relever ce défi ou préféreront-ils attendre d'autres drames pour encore exprimer des regrets?