Un de mes mentors disait que lorsqu'on prononce un discours, il y a en fait trois discours: celui qu'on avait planifié faire, celui qu'on fait réellement et celui qu'on aurait aimé prononcer.

De la même façon, il existe toujours trois présidences: celle promise par le candidat, la présidence réelle et celle dont débattront ensuite pendant longtemps le président, les partisans et les historiens. Avec l'adoption historique de sa réforme de la santé, le président Barack Obama a rempli et même dépassé ses promesses électorales, établi son administration comme libérale et s'est assuré une place dans l'histoire.

Cette victoire a été coûteuse. M. Obama a dû rompre le serment qui définissait le plus sa vision politique et qui l'avait propulsé vers la Maison-Blanche. Il n'est pas le guérisseur postpartisan capable de rassembler les bleus et les rouges qu'il espérait devenir et pour lequel les Américains avaient voté.

Mais il a rempli sa promesse électorale de devenir un chef «transformationnel». En 2008, il a choqué sa rivale Hillary Clinton et d'autres démocrates en affirmant que «Ronald Reagan a changé la trajectoire des États-Unis d'une manière plus significative que Richard Nixon ou Bill Clinton» et que Reagan «nous a placés sur une voie différente parce que le pays était prêt pour cela».

Barack Obama a joué tout son avenir politique sur la présomption que les États-Unis étaient prêts pour le changement qu'il vient de faire passer à la Chambre des représentants. Et ne vous y trompez pas, il a dû lutter très fort, se démener comme un beau diable, pour gagner.

Avec une administration constituée en bonne partie de l'ancienne équipe de M. Clinton, M. Obama était déterminé à ne pas reproduire l'échec qu'avait connu le projet de Bill Clinton sur la santé en 1993-1994. Au lieu d'envoyer un projet de loi de la Maison-Blanche par Pennsylvania Avenue jusqu'au Capitole, Obama a laissé les démocrates de la Chambre des représentants écrire la loi. Ce choix a une conséquence: son projet de réforme n'a pas obtenu un seul vote républicain à la Chambre des représentants dimanche dernier.

Cet échec constitue une grave débâcle par rapport à l'euphorie bipartisane de l'élection de 2008 et ne correspond pas à la manière dont la plupart des lois historiques ont été adoptées aux États-Unis. Tant la loi sur la Sécurité sociale de Franklin D. Roosevelt que le programme Medicare de Lyndon Johnson avaient joui d'un important soutien bipartisan.

En revanche, Obama a obtenu une victoire importante, considérée impossible il y a quelques semaines à peine après que Scott Brown, ce républicain inconnu, eut remporté au Sénat le siège du Massachusetts, détenu depuis si longtemps par le sénateur Ted Kennedy que les démocrates le tenaient pour acquis.

Le pouvoir est comme un muscle... plus on l'exerce, plus il grossit. La victoire de M. Obama va le rendre plus fort, et les États-Unis deviendront un peu plus sa nation. Ce que les républicains craignent, c'est que la nation d'Obama soit une abomination. M. Obama n'a pas assez de temps devant lui pour prouver qu'ils ont tort en ce qui concerne le système de santé.

Il est le premier à admettre qu'il faudra des années pour rembourser les coûts engendrés par la nouvelle loi. Mais M. Obama peut gagner le débat sur le système de santé, du moins à court terme, s'il fait preuve d'autant de détermination et de vision qu'il a démontrées pour le principal défi de son administration, celui de créer des emplois, des emplois et encore plus d'emplois pour les millions d'Américains au chômage qui peinent à se remettre du krach de 2008.