Au cours des dernières semaines, certains bonzes de l'arrière-garde médiatique ont cru bon de s'attaquer à Twitter, Facebook et autres «médias sociaux» au nom d'une crédibilité journalistique apparemment menacée par ces nouvelles créatures.

Le 25 mars, dans un article de Stéphane Baillargeon, du Devoir, le professeur Jean-Paul Lafrance mettait l'univers médiatique en garde contre la «fascination aveugle» et «l'assujettissement désolant» devant ces nouvelles technologies.

Puis, la semaine dernière, c'est Lise Bissonnette qui dénonçait le «gazouillis  des «placoteux» qui sévissent entre autres sur Facebook et Twitter -cet intolérable Far West qui permet à certains d'échapper à la supervision suffocante de la bien-pensance institutionnelle.

Finalement, dans un article paru samedi dernier dans La Presse -et beaucoup plus sympathique à l'égard des twitteux et des facebookois-, Nathalie Petrowski déplorait l'absence de réplique à Mme Bissonnette de la part d'une «communauté où l'on est tellement occupé à s'autocongratuler et à s'autopromouvoir qu'on ne prend jamais le temps de s'arrêter pour envisager ce que l'on fait, avec une distance critique et un certain recul».

Contrairement à Mme Petrowski, je ne crois pas que les twitteux «dormaient au gaz», ou encore qu'ils étaient «gênés de s'en prendre à une interlocutrice aussi crédible». J'ai eu connaissance des propos de Mme Bissonnette dans les heures (voire les minutes) qui ont suivi leur publication -justement grâce à Twitter- et ma réaction a été rapide et sans équivoque.

La décision de ne pas répliquer à Mme Bissonnette (jusqu'à aujourd'hui) n'a rien à voir avec une supposée «gêne» de m'en prendre «à une interlocutrice aussi crédible». Bien au contraire. Dans ce débat, et avec tout le respect qu'on lui doit pour sa contribution historique au journalisme québécois, c'est Mme Bissonnette qui n'a aucune crédibilité.

Le choix de faire comme si sa critique «n'avait jamais existé» relève davantage de la pitié que d'une crainte quelconque. Pour les journalistes, commentateurs et simples citoyens qui connaissent et comprennent ces nouveaux médias -Twitter en particulier-, il ne sert à rien de s'attarder à répondre aux nostalgiques de la dactylo.

En dénonçant haut et fort l'invasion barbare de Facebook et Twitter, c'est son propre décalage et sa superfluité croissante que Mme Bissonnette a criés au monde. Or bien peu de gens ont le temps de répondre aux critiques décalées et superflues; les chiens de l'establishment aboient, la caravane du progrès passe.

Une question pour Mme Bissonnette (et autres critiques): êtes-vous sur Twitter? Je vous y ai cherché, en vain. Je présume donc que vous n'y êtes pas, et que par conséquent vous ne savez pas de quoi vous parlez.

Que trouve-t-on dans le gazouillis de Twitter  Bien des choses, à commencer par la grande majorité des médias «crédibles»: journaux, magazines, blogues, radios et télévisions du monde entier. Puis d'autres organismes et institutions de toutes sortes. Puis des individus, de toutes les formes et de toutes les couleurs.

Y a-t-il de l'insignifiance et de la stupidité dans tout ceci? Oui, à profusion. Mais de même qu'on n'abolira jamais le livre parce qu'il existe des romans Harlequin, la radio parce qu'on n'aime pas Jeff Fillion, la télévision à cause du Canal Vie, et la presse écrite en visant Photo Police, on aurait tort de croire que la présence de twits sur Twitter remette en question la pertinence du médium en soi.

Surtout que -comme le savent ceux qui sont sur Twitter- on choisit qui l'on suit.

Et que font ces sources, quand on choisit de les suivre? Elles nous renseignent sur ce qui nous intéresse ou pourrait nous intéresser. Elles nous dirigent vers des nouvelles, des vidéos ou des commentaires pertinents ou originaux, aux quatre coins du web et du monde. Elles enrichissent infiniment les matières premières du journaliste: l'information et la perspective.

Les nostalgiques du bon-vieux-papier-qui-sent-bon et de la réflexion en vase clos sont évidemment libres de dénigrer ces nouveaux médias et de s'en tenir à leur Monde diplomatique, leur stylo à bille et leur téléphone. Ils se liront entre eux. Et ils laisseront enfin à d'autres la chance de décrire et faire avancer leur époque.