Le juge Gérard Dugré de la Cour supérieure du Québec vient de donner raison à une école privée catholique, le Loyola High School, qui demandait l'exemption du cours d'éthique et de culture religieuse, imposé par le ministère de l'Éducation pour l'ensemble des écoles du Québec. Contrairement à son collègue, le juge Jean-Guy Dubois, qui avait refusé en 2009 une demande semblable à des parents catholiques de Drummondville, en affirmant que le cours d'ÉCR ne brimait aucunement la liberté de conscience et de religion des enfants.

Cette fois-ci, le juge Dugré reconnaît clairement que l'imposition de ce cours contrevient à la liberté religieuse des parents qui choisissent l'école privée confessionnelle pour leur enfant.

Comment se fait-il que ce même cours puisse enfreindre la liberté de conscience et de religion, s'il est donné dans une école privée confessionnelle, mais ne la brime pas, s'il est donné dans une école publique laïque? Il me semble que nous avons là un problème éthique de taille.

Les juges auraient-ils oublié de se concerter avant de rendre jugement? On peut bien dire que la différence est dans le choix des parents de l'école fréquentée par leurs enfants: qu'une école privée catholique, protestante, juive, musulmane ou autre, puisse enseigner sa religion à l'école va de soi; tandis que l'école publique devenue laïque n'est pas le lieu où s'enseignent les religions, ça relève du gros bon sens. C'est vrai!

Mais en quoi le cours d'éthique et de culture religieuse peut-il porter atteinte à la liberté religieuse des croyants de toutes les confessions ou même des non-croyants, puisque le but du programme n'est pas d'imposer une religion ou une autre aux enfants, mais bien de leur permettre de mieux vivre ensemble dans une société laïque, dans le respect de leurs convictions religieuses respectives?

Le juge Dugré ouvre une porte qui sera difficile à refermer: toutes les confessions religieuses demanderont l'exemption de l'ÉCR, sous prétexte que ce cours brime leur liberté de conscience et exigeront qu'un enseignement confessionnel de leur religion soit dispensé dans l'établissement que fréquentent leurs enfants.

Comme l'école publique est déconfessionnalisée, le gouvernement n'aura d'autre choix que de retirer ce programme de l'école publique, pour ne pas se retrouver devant les tribunaux pour des motifs religieux. On se retrouvera ainsi avec une multiplication d'écoles privées confessionnelles subventionnées à 60% par l'État, où les enfants seront protégés, en vase clos, contre les méchants athées et les hérétiques d'autres religions. En même temps, dans les établissements scolaires publics, on aura réussi à faire disparaître toute trace de la culture religieuse, qui fait pourtant partie de notre histoire collective et communautaire.