Le gouvernement fédéral a débuté sa contre-offensive face au large mouvement de contestation contre sa décision sur le questionnaire long du recensement. Armé de démagogie et de contradictions, il tente de convaincre la population du bien-fondé de cette maladresse. De nombreux acteurs ont dénoncé cette décision: du gouvernement du Québec à l'Alliance des Chrétiens Évangéliques du Canada, en passant par les recteurs d'université. Jadis, Stephen Harper aurait été l'un d'eux.    

M. Harper est détenteur d'une maîtrise en sciences économiques de l'Université de Calgary. Dans sa thèse intitulée «Les cycles économiques et la politique fiscale au Canada», il utilise des données basées sur le recensement long, soit l'Enquête sur la Population Active. Les résultats sont modulés sur le questionnaire long pour s'assurer qu'ils soient représentatifs de la population. Sans recensement long, point de données représentatives! Dans une note en annexe de son mémoire, le premier ministre en devenir mentionne même avoir eu des difficultés à produire des graphiques de qualité parce que Statistique Canada avait changé sa méthode de collecte des données. M. Harper, je savais que vous étiez secrètement avec nous.

Bien sûr, répondre au questionnaire long est un exercice pénible, tout comme faire sa déclaration de revenus ou apprendre le code de la sécurité routière. Je suis prêt à parier que les gouvernements reçoivent plus de plaintes sur les impôts ou les infractions routières que les trois reçues ces dix dernières années par le Commissaire à la vie privée au sujet du recensement. Si j'avais à faire de l'intrusion dans la vie des gens un combat, je choisirais autre chose que le recensement.

Par ailleurs, le gouvernement ne semble pas faire grand cas des agriculteurs, qui doivent tous remplir obligatoirement le recensement agricole comportant plus de 200 questions, alors que le questionnaire long du recensement en comporte la moitié moins et est rempli en moyenne une fois aux 25 ans par une famille. Côté cohérence, on repassera!

Quant à la question relative au nombre de chambres à coucher, dont les conservateurs ont tant parlé, précisons qu'il s'agit d'une donnée essentielle pour suivre l'évolution du prix des maisons et donc, du marché immobilier. Sans de tels indicateurs, le ministre des Finances, Jim Flaherty, aurait eu beaucoup de difficultés à mettre en place ses politiques de relance pendant la récente récession.

À ma connaissance, il existe deux études qui classent la réputation des agences statistiques du monde, produites en 1991 et en 1993 par The Economist. Le premier critère de qualité: l'indépendance politique. Dans ces deux études, Statistique Canada s'est classée première. Au monde. Malheureusement, l'intégrité et la réputation de l'agence ne semblent pas peser lourd aux yeux de ce gouvernement.

Je remercie Stephen Harper d'avoir donné les droits de reproduction pour sa thèse. La libre diffusion des connaissances fait partie des piliers de l'évolution des politiques et de la tenue de débats éclairés. Comme des données de la plus haute qualité, il va sans dire.

La thèse de maîtrise de Harper est disponible à http ://www.pabsta.qc.ca/files/harper.pdf