Le registre des armes à feu, c'est «la» bataille que les survivants de Poly ont gagnée. Or, la Chambre des communes est sur le point de mettre fin à l'essentiel du registre des armes à feu. L'enregistrement des fusils à canon long risque d'être abrogé et toutes les données amassées pourraient être simplement supprimées.

Pourtant, depuis l'implantation du registre, la criminalité due aux armes a baissé au Canada. Les chiffres sont éloquents: de 33 à 50% de diminution selon le type de crime violent.

Qui le registre des armes à feu gêne-t-il? Pour les chasseurs, les gens qui font du tir au pigeon d'argile, les gens qui pratiquent le tir dans un club, on parle de tracas administratifs. On enregistre bien les véhicules, la plupart des municipalités enregistrent les chiens et les chats. Est-il plus important de savoir à qui appartient un véhicule ou un animal, pour envoyer à son propriétaire la facture d'un lampadaire (en cas d'accident) ou d'une euthanasie, ou bien de savoir à qui appartient une arme retrouvée sur les lieux d'un crime ?

La plupart des suicides et meurtres conjugaux ne sont pas prémédités, mais ils sont généralement précédés de plusieurs signes annonciateurs. En ce sens, le registre sauve des vies. Pas parce qu'il peut empêcher chaque tuerie semblable à celle que nous avons vécue à Polytechnique, mais bien parce qu'il permet aux policiers de retirer les armes lorsqu'ils identifient des gens au comportement suspect, et donc de réduire les conséquences potentielles quant à la violence corporelle.

Le registre aide non seulement à rendre plus improbable le fait de tuer par excès de colère ou de folie, en faisant partie d'un mécanisme de retrait des armes à feu face à une situation potentiellement violente. Le registre permet aussi aux policiers de s'attaquer aux criminels organisés. Parce que les criminels qui planifient leurs méfaits préfèrent des armes qui ne sont pas enregistrées. En effet, il suffit aux policiers de retrouver les propriétaires suivants à partir du dernier enregistrement pour identifier le propriétaire courant au besoin. Ceux que le registre dérange le plus, ce sont les individus qui acquièrent des armes en pensant peut-être commettre des actes illégaux avec elles. Ils espèrent ainsi augmenter leurs chances d'échapper à la justice.

Et avec le temps, le registre devient de plus en plus efficace: une arme achetée ou héritée peut très bien avoir été enregistrée par un propriétaire précédent. Un nouveau propriétaire sans malveillance peut oublier d'enregistrer une arme, tandis que le criminel potentiel insistera pour se procurer une arme qui n'a jamais été enregistrée. Cette différence de comportement induite par le registre est un outil d'identification extrêmement précieux pour les forces de l'ordre.

Refuser de voir un lien de cause à effet entre l'implantation du registre et la diminution des crimes violents, c'est nier l'intelligence des criminels qui à défaut d'accorder de l'importance à la vie d'autrui, en accordent généralement à leur propre liberté.

Les criminels violents qui sont prêts à récidiver sont ceux que le registre contribue à identifier. En consultant le registre, les policiers peuvent immédiatement vérifier si les armes en leur possession sont légales ou non. Ce sont les crimes perpétrés par ces individus que le registre permet aussi de reporter ou d'éviter. Et c'est cette catégorie d'individus que certains de nos élus aident en abrogeant le registre.