Nous apprenions récemment dans La Presse que l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal vient d'adopter des modifications à son règlement sur le bruit afin de prendre au corps une situation supposément criante. Selon les autorités politiques et le service policier du quartier, le péril est tel qu'on craint l'exode des résidants du Plateau. C'est probablement pour cette raison qu'à l'article 9 du règlement, on interdit «le bruit de cris, de clameurs, de chants»! Chuchotez, vous êtes sur un terrain privé.    

Il n'est pas question ici de ridiculiser l'objectif de la diminution du bruit en milieu urbain. La lutte à la pollution sonore est une préoccupation digne de notre attention. Il s'agit plutôt de dénoncer la méthode utilisée dans ce dossier, comme dans d'autres, par les élus municipaux de l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal.

Le Plateau-Mont-Royal, au même titre que Mercier-Hochelaga-Maisonneuve et que Rosemont-La-Petite-Patrie, s'inscrit dans un milieu social qui dépasse ses limites administratives. Ils sont d'abord et avant tout parties intégrantes de la réalité sociale plus grande qu'est la ville de Montréal. À ce titre, ils ont la responsabilité de voir à la livraison des services de proximité au sein de leur arrondissement, tout en gardant à l'esprit la cohésion nécessaire à une grande ville comme Montréal.

Voilà cependant que le Plateau-Mont-Royal, par la voix de ses élus, a déclaré la chasse aux Montréalais. Alors qu'interpellé sur ce nouveau règlement sur le bruit par un Rosemontois, Carl Boileau, conseiller municipal du district de De Lorimier, répond que ce dernier a «tout faux de prétendre que les quartiers appartiennent davantage aux visiteurs qu'aux résidants». Mais attention ! Ici, le mot visiteur réfère aux Montréalais ne résidant pas dans le Plateau. Imaginez l'arrogance. Nous voilà donc de simples visiteurs dans notre propre ville.

Le Plateau-Mont-Royal est certes un milieu de vie, mais il en est un pour tous les Montréalais sans exception. On habite Montréal, on aime Montréal pour la richesse que chaque artère a à nous apporter, pour les expériences diversifiées et éclectiques qu'on peut y vivre. Résumer Montréal à une série de quartiers mis côte à côte revient à tuer l'esprit même qui se dégage de notre métropole.

Le maire de l'arrondissement, Luc Ferrandez, commentait la situation de la manière suivante: «La complexité et le charme du Plateau tiennent à sa mixité et les propriétaires de bars et de restaurants ne devraient pas cannibaliser les caractéristiques d'un quartier qui les attire initialement en poussant ses résidants à le fuir.» C'est tout le contraire, M. Ferrandez. Les bars et les restaurants pullulent dans le Plateau depuis des décennies. La plupart des résidants du Plateau s'y sont installés par choix au cours de cette période afin de se rapprocher de ce milieu vibrant et stimulant. Ils sont ceux qui ne devraient pas cannibaliser les caractéristiques d'un quartier qui les a attirés initialement.

Souvent animés de bonnes intentions, les élus de l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal semblent régulièrement omettre volontairement la donne montréalaise lors de leurs actions. Ils sont pourtant, en tant que membres du conseil municipal de Montréal, responsables de la gouverne de l'entière métropole.