On a lu il y a quelques jours dans La Presse l'histoire de Simon qui a été abandonné dans le hall d'entrée d'un hôpital par un chauffeur de bus un peu trop pressé, vraisemblablement égaré. La veille, toujours dans La Presse, on lisait une autre histoire d'abandon, celle d'Hubert, de Camille et de Thomas par des camps de jour dont l'accès leur est refusé ou, dans le meilleur des cas, accordé à des conditions qui peuvent être difficilement honorées.

Simon, Hubert, Camille et Thomas sont du nombre des quelque 65 000 jeunes au Québec qui vivent avec une incapacité physique ou intellectuelle, parfois même les deux à la fois, envers qui la vie n'a pas tenu ses promesses. Pour la vaste majorité d'entre eux, la communauté ne les tiendra probablement pas, elle non plus.

Dans son article du 19 juillet, la journaliste Louise Leduc décrit bien à quel point les parents sont trop souvent laissés à eux-mêmes, qu'ils ne profitent pas de toutes les ressources auxquelles ils sont en droit de s'attendre d'une communauté qui se dit soucieuse de ses enfants les plus fragiles. Le handicap chez leur enfant les appauvrit, mobilise tout leur temps et leurs ressources et il ne leur laisse guère d'espoir qu'un jour, cet enfant dont ils ont tant rêvé, puisse voler de ses propres ailes.

Il est fort à parier que leur enfant attende jusqu'à 36 mois sur une liste d'attente pour recevoir un premier service de réadaptation, qu'il ne fasse jamais l'objet d'une évaluation professionnelle de ses besoins scolaires et qu'il ne reçoive pas une éducation spécialisée dans une école spéciale ou dans des classes spéciales d'une école ordinaire. Au final, il se pourrait bien qu'il soit du nombre des quelque 200 000 personnes handicapées au Québec qui n'ont pas de diplôme d'études secondaires.

On répète dans l'article qu'heureusement, il y a le Camp Papillon. Nous sommes loin de nous en réjouir parce que la Société pour les enfants handicapés du Québec n'a pas les moyens de ses ambitions et, de ce fait, trop de jeunes sont laissés pour compte. Elle est néanmoins animée d'un profond sentiment d'urgence de combler un vide abyssal avec peu de moyens, d'offrir aux parents des ressources humbles, mais compétentes et de les rassurer qu'ils pourront de temps à autre souffler un peu en sachant leur enfant entre des mains aimantes.

Au cours des huit dernières décennies, que ce soit dans ses colonies de vacances, ses camps de jour, sa garderie spécialisée, son centre de stimulation et ses résidences de répit, elle aura compris que ce n'est pas la trisomie, ni la dystrophie musculaire, ni la paralysie cérébrale qui sont des handicaps. Ce sont plutôt le regard et le silence des autres, ces satanés escaliers à gravir, les quelques pas infranchissables qui vous séparent des bras de votre mère et le sentiment qu'on n'a vraiment pas de place à soi.