Dans la série sur le cancer, Patrick Lagacé décrit la peur qu'il a de souffrir d'un cancer. «Une terreur intime, personnelle, viscérale», écrit-il. Avez-vous peur d'être atteint par cette terrible maladie? Avez-vous eu une expérience personnelle du cancer? Croyez-vous qu'on peut, à force de volonté, vaincre le cancer?



MERCI DE NOUS AVOIR FAIT PARVENIR VOS COMMENTAIRES

Cancer belge ou cancer québécois.

Nous sommes tous dépendants des lois de la nature. Les cellules n'observant aucune règle en font partie. Ces cellules sont un tsunami. Le premier m'a frappé à Bruxelles, le second à Montréal. Le crabe, comme l'appelle Patrick Lagacé (par peur du nom) aime être partout. Par deux fois, il m'a terrorisé. Par deux fois, j'ai survécu. Ce qui fait de moi, un observateur chanceux. Le premier, belge, un coriocarcinome virulent. Le second, québécois, une leucémie aiguë. Pas beaucoup mieux. Dans les deux cas, les chimiothérapies sont au menu. Dans les deux cas, on parle de six mois au mieux. Dans les deux cas, on prie les mains jointes pour une rémission, car croiser les doigts ne suffit plus. Dans les deux cas, les médecins naviguent un peu à vue, car le cancer est une bête imprévisible qu'ils ne comprennent pas toujours, sans pouvoir la tuer complètement. Dans les deux cas, vous n'êtes plus qu'un pantin agité par le destin, les choses ne vous appartiennent plus, votre vie dans le lot. Cela, c'est le dénominateur commun. Les différences, elles sont parfois culturelles, mais sont surtout humaines. Ensuite, le système de santé mis en place et la logistique sans lesquels rien ne serait possible. En Belgique, tout n'est pas couvert par la mutuelle, comprenez par l'État qui vous remboursera après. Stress financier ajouté au cocktail. Au Québec, tout a été couvert par la carte-soleil. Concentrons-nous donc sur la guérison. Le cancer belge m'a été annoncé, de but en blanc, sans scanner, sans échographie, sans analyse, par un urologue trop zélé au bistouri trop leste à mon goût. Il a fallu l'intervention d'un proche, professeur en histologie, prenant les choses en mains pour vérifier si tous ses dires s'avéraient aussi exacts que l'échographie à venir. Nous ne sommes pas au Québec pourtant. Puis, j'ai été entre les mains d'un oncologue extraordinaire, ni trop pessimiste, ni trop optimiste me donnant l'heure juste en espérant que les aiguilles tournent en notre faveur, car lui était aussi concerné que je ne l'étais. Il est devenu un ami. Ensuite, il y a les bévues, de part et d'autre, il y a surtout les limites des uns et des autres et puis la nôtre aussi. Surtout. Au Québec, j'étais un chat échaudé craignant l'eau froide, imaginez avec tout ce que l'on raconte sur le système de santé... Puis vint une sinusite, vicieuse à souhait. Et pour cause, elle n'en demandait pas tant, mes globules blancs étaient au plus bas. La prise de sang demandée par un médecin vietnamien dans une clinique sans rendez-vous m'expliqua comment cela marche ici: «Avec ceci (il me tendit son ordonnance et les résultats), allez aux urgences, car au Québec pour entrer dans le système de santé, il faut passer par les urgences, n'allez pas voir un spécialiste», me dit-il la main sur l'épaule. J'ai eu beaucoup de chance ou ils sont terriblement efficaces. Aux urgences, j'ai eu peur des cinq heures d'attente, 15 minutes plus tard, masque sur le visage, j'étais transféré dans une chambre. Batterie de tests, docteurs es spécialistes et hématologue. Biopsie. L'hématologue le lendemain, m'annonce le diagnostic avec le plus d'humanité possible et ajoute: «Que puis-je faire pour vous, aujourd'hui?» «Refaites tout et dites-moi que je n'ai rien», ai-je lâché. Il tourne les talons, s'en va la tête basse impuissant. J'ai été transféré à Notre-Dame, où je suis resté pendant six mois. Chambre pressurisée. Rémission. Le Québec est un pays où il fait bon vivre, je n'irai pas jusqu'à dire où il fait bon tomber malade. Mais une chose est certaine, si je suis vivant, ils ont tous été mon miracle. Les miracles n'ont pas de frontières et pour moi, ils ont des visages d'ici.

Thierry De Greef



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Le stress de l'inconnu

J'ai été diagnostiquée en 2009 pour un cancer du sein, carcinome niveau 1, détecté à temps par une mammographie de contrôle. La masse ayant été retirée, mes tests HER2 étant négatif, bonne nouvelle, pas besoin de chimiothérapie. Ouf! Déjà, c'est annonciateur de beaux jours. Ce que j'ai trouvé le plus difficile à gérer, c'est tout le stress de l'inconnu. Vais-je survivre, encore combien de temps? Cette angoisse m'a un jour quittée. Au moment où je ne m'y attendais plus, pour laisser place au constat que ous allons tous mourir un jour, alors vivons à fond de train le moment qui passe. J'ai eu à parcourir jusqu'à Montréal, tous les jours, 240 kilomètres, pour y être traitée à l'hôpital Notre Dame, car dans ma région, les Laurentides, nous n'avons pas de service de radiothérapie. Un service exceptionnel, des gens attentionnés, dédiés qui ont fignolé l'horaire pour m'accommoder entre les périodes de pointe. 26 visites, durant lesquelles mon taux d'adrénaline était à son maximum pour survivre à ce cancer. Je suis suivie depuis par une autre équipe tout aussi épatante à notre hôpital de région à Sainte-Agathe. Je me sens entre bonnes mains, nous sommes privilégiés de vivre dans un pays où les soins sont disponibles et surtout à une époque où les avancées médicales permettent de tels traitements avec des médicaments accessibles. Malgré cette terrible maladie qui a emporté ma mère, des oncles, des amis, des tantes, des voisins, nous devons apprendre à vivre avec elle, avec le vieillissement de la population, elle est présente dans nos gènes, elle est là pour rester. En rémission, oui. Guérie, j'y travaille. Nos jeunes qui décèdent d'accident de voiture à 18 ans (qautre en cette belle fin de semaine de l'Action de Grâce), je trouve ce constat beaucoup révoltant que ma maladie, étant moi-même mère d'adolescentes. Je sympathise grandement avec les familles.

Danièle Lagarde

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Cancer du sein à 50 ans

J'ai eu 50 ans en 2009 et j'ai reçu la lettre de Santé et Services sociaux m'invitant à passer une mammographie. Ce que j'ai fait à la clinique de radiologie près de chez moi sans avoir le mot cancer en tête. Le lendemain, on me rappelait pour un test d'agrandissement plus précis du sein gauche. Je passe également un échographie. La médecin en charge me dit qu'il y a quelque chose mais qu'elle ne peut me donner plus de précisions et me réfère à la Clinique du sein de l'hôpital Royal Victoria. À partir de ce moment, échographies, biopsies, révèlent une masse (non palpable pour moi) au centre du sein gauche contenant des cellules cancéreuses. Je ne l'ai pas reçu comme un choc puisque le médecin a été rassurant et optimiste dans la description du traitement à suivre. Je me suis alors dit que je ferais ce qu'il faut pour guérir. La masse étant volumineuse, je dois subir des traitements de chimiothérapie pour la réduire avant d'être opérée. J'ai reçu 6 traitements sur 8 et j'aurai sûrement ma chirurgie avant la fin de l'année. J'aurai également des traitements post-opératoire. Tout le processus (que je trouve très long) se déroule très bien pour moi. Je n'éprouve pas de grandes douleurs physiques et je suis bien entourée par ma famille et amis. Je garde le moral et je sais que tout se terminera bien pour moi. Je me trouve tout de même chanceuse. J'invite toutes les femmes de 50 ans qui recevront leur lettre de prendre rendez-vous pour une mammographie. Si je ne l'avais pas fait, je ne sais pas quand je l'aurais su puisque je n'ai pas de médecin de famille et je l'aurais découvert peut-être trop tard.

Lynda Walker, Lasalle

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Ne laissez pas vos peurs gaspiller votre vie

Ma mère a eu un cancer du sein en 1998, épreuve très difficile pour tout l'entourage, aujourd'hui elle va bien. Elle vit dans l'inquiétude.

En 2008, j'ai fait une dépression, la deuxième. Il est vrai que c'est un cancer de l'âme, et celui-ci nous habite toute notre vie. On apprend à vivre avec les effets secondaires, les hauts et les bas de la maladie, on retrouve toujours du positif dans chaque épreuve que nous subissons. Celle ci a été très difficile, mais j'ai fait des choix de vie pour mon bien-être personnel. J'ai des amis qui ont combattu le cancer, certaines sont décédées et d'autres sont encore là. Je ne sais pas si la dame qui parle contre l'invasion des rubans roses a déjà connu quelqu'un qui a été atteint de cette maladie, elle devrait lire sur le sujet, les nouvelles statistiques sont de 8 femmes sur 10 qui en seront atteintes. Alors oui pour l'invasion des rubans, la Fondation est partout, car la maladie est terrible et les besoins sont énormes, j'invite cette dame à participer à la Course à la vie de CIBC, elle pourra constater pourquoi cette Fondation existe. Si le dépistage n'est pas gratuit pour les 40 ans ou moins, ce n'est pas la faute à la Fondation, mais bien celle du gouvernement. Si vous croyez que votre vie ne vaut pas 90$. Qui n'a pas peur de souffrir, de mourir ou de perdre quelqu'un. La peur, c'est d'appréhender quelque chose qui peut-être n'arriveras pas, c'est de ne pas savoir. La peur, c'est sortir de notre confort. J'ai vécu beaucoup d'épreuves et j'en vivrai d'autres, mais aujourd'hui, j'ai lâché prise sur mes peurs, je prend ces épreuves comme des défis, mais le plus important c'est de vivre aujourd'hui, de faire des choses que l'on aime avec des gens que l'on aime. De s'imposer des projets à faire, des défis. Sortir de notre zone de confort. Il y a tellement de gens qui ont peur de vieillir, de plus en plus de personnes ont recours aux chirurgies esthétiques, ils n'acceptent pas la vie. Alors imaginez celles qui ont peur de mourir. Ne laissez pas vos peurs gaspiller votre vie présente. Chassez ses pensées sombres qui vous habitent, et si des épreuves de santé nous arrivent, nous pourrons réagir à cet instant. Il y a des maladies qui vont nous enlever les gens que l'on aime, la douleur de la perte est inimaginable, mais la vie se charge d'apaiser notre douleur et d'apprécier les moments que l'on a vécu avec ces personnes. C'est un passage de la vie obligé.

Renelle Roy

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J'ai peur de ne plus pouvoir être là pour ceux que j'aime

Ça y est, je quitte la maison dans exactement une heure pour recevoir un quatrième traitement de chimio. Un simple baiser sur le front de la part de ma grande de huit ans et un " Bonne chance maman, tu es courageuse" me donne un peu plus de force pour affronter la prochaine semaine et demie d'effets secondaires. Physiquement c'est la grande forme comparé à bien d'autres, vivant la même chose. Mentalement, c'est une autre paire de manche: j'oscille entre la peur de ne pas être en rémission complète après ces six traitements, que le cancer s'insinue dans ma chair ailleurs où le bras de fer contre lui serait plus difficile et surtout, j'ai peur à la perspective de ne plus être là pour voir grandir mes deux petites filles et jouir de la vie avec mon mari adoré. Mais voilà: j'aime la vie et tout ce qu'elle m'apporte de bien malgré les épreuves. J'aime mes amis, ma famille qui sont là pour moi à chaque étapes de cette maudite maladie. La peur est là, mais bien différente que celle que l'on ressent avant d'avoir un diagnostic de cancer. Avant, j'avais peur du cancer. Maintenant, j'ai peur de ne plus pouvoir être là pour ceux que j'aime. Que voulez-vous: je fais partie de ces chanceuses qui ont tout à perdre et qui en même temps ont tout pour passer à travers. Donc, au bout du compte, je me parle comme on dit : « Fais une grande fille de moi et prends tout ça une étape à la fois. » C'est cliché, mais l'essentiel ont y revient vite lorsqu'on est confronté au cancer et la peur à sa place, mais on la dompte à force d'amour de nos proches. Comme je le dis souvent: le cancer est une maladie qui se soigne et non une condamnation.

Julie Boucher , Ottawa

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Non je n'ai pas peur

J'ai souffert de dépression en 1991 et un deuxième épisode en 1999 et je me souviens d'avoir dit que je souhaitais un cancer! Ce cancer aurait été « plus facile » à combattre car c'est physique alors que la dépression était mon « cancer de l'âme » . Ça fait tellement mal et tu te bats contre des fantômes...

Mais finalement, depuis ma guérison, je suis très heureuse et je suis contente de ne pas souffrir d'un cancer. Je regrette ces paroles. Oui le cancer est de plus en plus présent dans nos vies . J'ai 50 ans et j'ai plus d'amis décédés du cancer que ma mère âgée de 77 ans. Et ils sont tous morts dans la quarantaine. Profitons de la vie aujourd'hui!

J. Léveillé, Laval

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Je fais tout pour l'éviter

Je vis avec cette peur du cancer du sein et ce, quotidiennement. Je dirais davantage lorsque je constate, dans les médias, qu'en 2010 on en meurt encore. Mes seins sont pour moi la partie principale de ma féminité, la zone qui me rappelle que je suis une femme et que j'en suis très fière. Ils font partie intégrante de ma sexualité et m'apportent beaucoup de plaisir lorsque partagé avec mon conjoint qui est le gardien de ceux-ci. Sans mes seins, je ne suis plus un être sexué et épanouie, ce qui explique ma crainte de vivre, un jour, avec le cancer du sein. Je me vois difficilement subir une ablation de l'un d'eux ou à la rigueur des deux seins. Et par le fait même, je refuse catégoriquement toute transformation (lire chirurgie esthétique) de cette partie de mon corps que j'apprécie tellement. Sans eux, le ciel deviendrait excessivement sombre et ma vie ne serait plus la même. C'est pourquoi, je fais tout ce que je peux pour éviter un diagnostic de cancer du sein.(exercices, pas d'alcool, nourriture saine, mammographie, etc).

Lucie Marchand

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Le cancer m'a sauvé la vie

J'ai subi une mastectomie partielle au sein gauche en mai 2005 avec 20 séances de radiothérapie post-opératoire. Je crois profondément que l'apparition de ce cancer est un amalgame de plusieurs causes: mauvaise hygiène de vie dans laquelle sont inclus mauvaise alimentation, peu ou pas d'exercice et évidemment le stress... sans parler du facteur génétique. Cela m'aura pris deux ans avant de faire le tour de ma vie et décider de tout faire pour éviter une rechute. Je me suis alors dit que si jamais j'en avais une, au moins, j'aurais tout tenté et que, cette fois-ci, je ne pourrais pas me culpabiliser. Je m'entraîne maintenant trois fois par semaine, j'ai radicalement changé ma façon de m'alimenter et j'essaie de mieux gérer mon stress. Pour ne pas se sentir victime, il est essentiel de se prendre en main. «Aide-toi et le ciel, s'il existe, t'aidera.» Paradoxalement, cette épreuve m'aura peut-être sauvé la vie en raison des changements qu'elle m'a fait faire.

France Ouellette



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Un fantôme

J'ai eu un cancer du sein il y a quelques années. Je me souviens encore de la radio-oncologue qui me dit: vous aviez raison, c'est un cancer. Le plancher s'est alors ouvert sous mes pieds. Heureusement, le pronostic était bon. Je suis passée au travers, j'y pense quand même à chaque jour et je remercie le ciel d'être encore vivante. L'épreuve a servi de révélateur des gens que je côtoyais et certaines amitiés se sont solidifiées pour la vie. Le choc collatéral le plus dur à encaisser fut au travail où tout a changé: depuis mon retour, mes collègues me traitent comme si j'étais un fantôme et mes patrons cherchent à se débarrasser de moi sournoisement. Eh oui, dans l'humain, on retrouve le meilleur... et le pire!

Annie Dubreuil

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Le cancer me terrorise

Il y a un peu plus de quatre ans, ma mère est décédée d'un cancer des os très rare. Elle s'est battue pendant trois ans et demi. À un certain moment, elle a été tout près d'être déclarée en rémission, mais malheureusement, le crabe a repris du terrain. Elle voulait tellement guérir... Pendant toutes ces années, je l'ai accompagnée, j'en ai pris soin, je faisais du ménage et la cuisine quand elle n'en avait pas la force. J'ai passé des nuits avec elles à l'hôpital pendant les dernières semaines de sa vie. Croyez-moi, si elle en avait eu le choix, elle aurait quitté ce monde un peu plus tôt. Je l'ai vu dépérir, perdre tranquillement son autonomie. À la fin, par moment, malgré mon admiration pour sa force de caractère et son courage, j'en avais pitié. Je l'ai accompagnée jusqu'à son dernier souffle. Est-ce que j'ai peur du cancer? J'en suis terrorisée. Terrorisée, parce que je n'ai vu qu'une seule personne s'en sortir dans tous les cas qui sont apparus autour de moi au cours de ces dernières années. Ces personnes avaient entre 21 et 55 ans. À mes yeux, un jeune âge n'est même pas une sécurité. L'hiver dernier, alors que j'avais 30 ans, j'ai trouvé une bosse sous mon aisselle. J'ai dû me taper mammographie et échographie pour savoir ce que c'était. Je pensais que c'était mon tour cette fois, mais non. Ce n'était rien de grave. J'ai pleuré de soulagement quand j'ai reçu le résultat. J'ai fait un virage à 180 degrés au cours des dernières années, j'ai changé mes habitudes de vie (fais tout l'inverse de ce que ma mère faisait au bout du compte), pour me donner ne serait-ce qu'une petite chance de pouvoir vivre une longue vie en santé, mais je sais que ce ne sera jamais une garantie et chaque petit symptôme curieux qui apparaît et qui persiste fait renaître en moi la grande peur. J'apprends à vivre avec elle, mais j'ai bien peur qu'elle ne m'accompagne encore longtemps, si ce n'est pour le reste de ma vie.

Marie-Ève Landry, Montréal

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Vivre et accepter de souffrir

J'ai 57 ans, et en avril dernier le docteur m'a annoncé, à la suite d'une chirurgie, que j'avais un important cancer de la prostate, inopérable et inguérissable, et l'urologue a ajouté que je devais songer à rédiger mon testament au plus tôt. Cela faisait des mois que je souffrais, mais qu'aucun médecin à l'urgence ne pouvait mettre le doigt sur le bobo. Puis, un beau jour de février, les voies urinaires se sont bloquées. J'ai porté une sonde durant six semaines avant d'avoir une chirurgie qui allait ouvrir le passage. Avant l'intervention, l'urologue était convaincu que le cancer était la cause de cette obstruction. À l'annonce de cette nouvelle, c'est comme si l'on n'avait pas l'impression que c'est grave, ça ne fonctionne pas bien dans le corps, mais la tête, ça va. Puis, au fil des jours. Les douleurs deviennent de plus en plus insupportables. Je ne vous raconterai pas tout ce que j'ai gobé comme narcotiques pour soulager ces douleurs, en vain. Même que j'ai fait une surdose de Fentanyl et j'ai eu droit à un sevrage brutal. J'ai vécu l'enfer pendant 36 heures, en plus de ne pas avoir dormi pendant 96 heures. En mai, j'étais certain de ne pas voir l'été, les douleurs ont anéanti mon moral. Et, un bon matin, je me suis ressaisi et je me suis dit que cette saloperie n'aurait pas ma peau. J'ai changé complètement mon alimentation en suivant les alicaments du docteur Béliveau. Je dois ajouter que je n'ai jamais reçu aucun traitement, hormonal, de chimio ou radio. La saison estivale n'a pas été des plus facile à traverser, j'avais le moral en yoyo et toujours ces douleurs impossibles à soulager. Bilan en date du 8 octobre 2010: je bois de quatre à six tasses de thé vert japonais par jour et cela a considérablement fait diminuer mes douleurs. Par contre, je suis encore à la limite de bloquer une seconde fois. Dernièrement, j'ai fait une bronchite et, comme le cancer a migré aux poumons, il a fragilisé mes os, alors à force de tousser je me suis brisé deux côtes. Hier, j'ai eu une «écoeurantite aigue». Mourir à petit feu, ce n'est pas gai. Je crois bien que je ne m'en sortirai pas. Je n'ai pas peur de la mort, même que cela a un côté excitant. Je vais enfin savoir si la conscience demeure sans le corps. Ma grande peur, c'est de me retrouver handicapé, je suis déjà assez limité dans mes activités. Je ne cacherai pas que des idées suicidaires, j'en ai eu. Mais finalement, j'ai pas envie de faire ça, malgré des journées difficiles, il y aussi

de bons moments que je vis encore avec ma copine, ma fille et mon chat. De toute façon, «Nobody lives forever». Alors, que ce soit dans une semaine ou dans dix ans, je n'y échapperai pas. Cela serait ridicule de devancer ma date d'expiration. Puis vivre c'est un peu accepter de souffrir non?

Claude Lamontagne

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Le cancer me terrorise

Ça me gruge par en dedans. Mes parents sont morts du cancer (colorectal et poumons) à l'âge de 65 ans seulement. En tout juste un an, ils étaient tous deux décédés. J'ai vu ma mère mourir et cette image ne me quitte jamais, même si c'est arrivé il y a 10 ans. La peine non plus ne me quitte jamais. Ce sont les deux ou trois dernières semaines que je ne voudrais pas vivre - que je ne voudrais pas mourir - si jamais j'ai le cancer. Et je ne veux surtout pas le faire vivre à mon entourage! Si je ne peux me rendre dans un pays «mouroir», je cesserai de me nourrir et de boire. Cette mort est à mes yeux beaucoup plus douce que de mourir du cancer...

Andrée Gélinas

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Chanceuse dans ma malchance

Il y a près d'un an, j'ai eu un diagnostic de cancer du sein. C'était le 30 octobre 2009. J'allais avoir 35 ans. La terre venait d'arrêter de tourner. Maintenant, après une opération pour une mastectomie partielle du sein droit, une tumeur maligne, mais très petite (un coup de chance), des traitements de radiothérapie (20 en tout), je me sens bien. J'ai refusé le Tamoxifène pour éviter de me faire abrutir par une tonne d'effets secondaires et je vis bien avec ce choix. Oui, j'ai toujours peur que ça revienne. Je me considère guérie, mais il y a toujours cette petite peur au fond de ma tête que ça revienne. Le cancer fait maintenant partie de la vie de tous les jours. Je ne me suis jamais posé la question du pourquoi j'en ai été personnellement atteinte. Je n'ai jamais fait d'abus de quoi que ce soit, toujours eu un très bon poids santé, eu trois grossesses, trois allaitements de plus de 6 mois, un bon régime de vie, jamais fumé, eu une vie active, mais, à 34 ans , une bosse sur un sein qui se révèle un cancer. Que répondre à tout ça? Une malchance, une erreur de parcours? Je préfère ne pas commencer à me morfondre et continuer à vivre ma vie à fond. Si ce crabe est pour revenir, c'est qu'il est dû pour revenir et je ferai en sorte de l'extraire de mon corps à nouveau. Je vis bien maintenant, malgré cette petite peur en moi. J'ai été chanceuse dans ma malchance. Jusqu'à présent, je m'en sors très bien. Je le souhaite autant à ceux qui vivront la même chose.

Annie Pigeon

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Le cancer m'accompagne depuis toujours

J'ai été diagnostiquée avec un neuroblastome très jeune - j'avais à peine six mois, c'était début 1980. Mes chances de survies étaient assez minces (20%). Après quelques traitements de chimio et de radiothérapies, et deux chirurgies pour lesquelles ma mère a dû se battre et insister (les médecins ne voulaient pas opérer, pour eux le jeu n'en valait pas la chandelle, la tumeur était trop étendue et, mon corps, trop petit), j'étais en rémission. Je n'ai jamais fait de rechute. J'ai toutefois grandi avec plusieurs séquelles. Rien de trop sévère, mais des séquelles tout de même assez importantes pour que je sois toujours différente des autres. Au primaire, les jeunes mal informés riaient de mon petit handicap (je porte encore à ce jour une orthèse tibiale, pour pied tombant et cheville paralysée), racontaient à qui voulait bien l'entendre que j'avais le SIDA (c'était dans les années 80, alors que cette maladie encore assez méconnue gagnait du terrain). 6e année - secondaire 1, j'ai commencé à porter un corset pour freiner l'évolution de la scoliose causée par les traitements de chimio. J'étais encore plus différente et, selon certains «amis», je me «pensais fraîche parce que je portais un corset»! La chirurgie est devenue inévitable, et j'ai finalement passé un mois à l'hôpital et plusieurs mois en convalescence, l'année de mon secondaire 3. «Mon cancer» n'a duré que trois petits mois, il y a de ça plus de 30 ans. Il m'a toutefois accompagnée toute ma vie. Il a façonné la personne que je suis devenue, m'a forcée à vieillir plus rapidement que les autres jeunes de mon âge. Je ne le renie pas, je ne le regrette même pas: il fait partie de moi. Et, à 31 ans, cette personne, je l'aime bien (et de plus en plus). Bien évidemment, je ne souhaite ce genre d'épreuve à personne. Surtout pas à ma fille de trois ans, qui a une maman un peu hypocondriaque et qui s'inquiète trop rapidement des petits bobos quotidiens. Avec raison? Je ne saurais dire). Ni à mes parents, qui ont été si courageux alors qu'eux-mêmes étaient les jeunes parents d'une enfant atteinte de cancer, et qui seront «vieux» un jour. Je ne voudrais jamais les voir différents d'aujourd'hui, ayant surmonté les épreuves ensemble, heureux, accomplis, profitant de la vie. Le cancer me fait peur, parce que je sais que ça n'arrive pas qu'aux autres. Plus les années et la recherche avancent, plus grandes sont les chances de survie. Mais j'ai déjà vu plusieurs de mes amis perdre un père ou une mère - parfois, cauchemar tellement pire qu'on ne peut s'imaginer à quel point, un enfant -, décédé du cancer. Et l'état actuel de notre système de santé me fait prier tous les soirs pour qu'aucun de mes êtres aimés ne tombe subitement malade. Comme mon médecin m'a récemment dit, au cours d'une consultation pour «ganglions enflés» (qui se sont finalement avérés n'être que des ganglions, point à la ligne - comme je le disais, je suis un peu hypocondriaque et je saute souvent trop rapidement à la pire conclusion), «un moment donné, il faut lâcher prise. En vieillissant, on meurt du coeur, ou du cancer, mais il faut mourir de quelque chose». Il ne faut pas s'empêcher de vivre parce qu'un jour, nous allons mourir. Mais, tout en profitant de la vie, j'essaie de faire ma part pour que cette maladie soit un jour enrayée, quitte à mourir d'autre chose ! Je suis une enfant de Leucan, c'est une cause que j'appuie sans compter, tout comme celle de l'Hôpital Ste-Justine, ma «deuxième maison». Je me suis aussi inscrite à l'édition 2011 du Cyclo-Défi contre le cancer du Centre du cancer Segal de l'Hôpital général juif. Avec ma cheville paralysée et ma colonne vertébrale fusionnée, je compte bien pédaler Montréal-Québec et passer par toute la gamme des émotions, en espérant que de plus en plus de gens puissent, comme moi, faire un magnifique doigt d'honneur au cancer.

Julie Desjardins, Saint-Constant

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Depuis 1986, j'ai peur

Après avoir subi un cancer du sein à l'âge de 32 ans, je suis encore en attente d'une biopsie à l'autre sein. J'ai 56 ans, et tous les jours, depuis le 15 août 1986, j'ai peur. Oh oui, je me raisonne, mais cette peur viscérale est, et sera, toujours présente. Mais c'est ma vie et non celle des autres. Cela m'a peut-être appris à être plus humble et à apprécier tous les bons moments. Et à me savoir mortelle.

P. Paquin Val-d'Or

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La peur du cancer a pourri mon enfance

Chez nous, à la maison, et dans les rencontres familiales, la maladie et le cancer étaient le sujet central des conversations. Imaginez pour une petite fille de 6 ans, entendre raconter l'agonie d'un tel, mort de leucémie, ou d'une telle, morte du cancer du sein, etc. C'était l'époque (dans les années 70) où les mélodrames d'enfants leucémiques pleuvaient, et ma mère, hypocondriaque, s'imaginait que ma soeur et moi avions le cancer du sang (ou autre) à la moindre apparition d'un bouton un peu suspect. J'étais bien uniquement à l'école, lorsque je pouvais penser à autre chose qu'à la maladie et au cancer, mais sitôt les vacances scolaires arrivées, mon calvaire recommençait, car ma mère m'avait transmis son hypocondrie. Je pensais toujours que j'étais atteinte de leucémie et qu'il ne me restait que quelques mois à vivre. J'ai fini par me libérer de mes pensées morbides à 11 ans. Il m'arrive encore, mais beaucoup moins fréquemment d'avoir des attaques d'hypocondrie. Cependant, à 41 ans, j'ai réalisé pas mal tout ce que je voulais faire dans la vie, et comme je le dis souvent, si je devais mourir demain d'un cancer, j'aurai tout de même eu une belle vie.

Julie Vaillancourt, ing.

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Invasion des rubans roses!

Ils sont partout! Toute la porte. Les compagnies y adhèrent et donnent de l'argent. De quoi je parle? La fondation du cancer du sein du Québec. C'est devenu une mode de l'appuyer, si tu ne le fais pas: t'es «out»? On le retrouve partout dans les magasins: sur des bouteilles de vin, des vêtements et même sur des colliers à chien! Il n'y a pas d'autres maladies au Québec, en fait, qu'est-ce qui tue le plus de gens dans notre province? À en croire tous les produits et compagnie qui donnent de l'argent à cette fondation, nous sommes en pleine épidémie! Eh non, je ne suis pas sans coeur, au contraire! Dernièrement, mon médecin m'a donné une prescription pour aller passer une mammographie. Lorsque j'ai téléphoné à la clinique affiliée, on m'a répondu que j'étais trop jeune pour passer une mammographie!? Les médecins allaient exiger que je passe d'abord une échographie. Cependant, ce dernier examen n'est pas couvert par la RAMQ et coûte la modique somme de 90 $! Quelle bonne nouvelle, après avoir pris deux semaines à rassembler mon courage pour téléphoner à la clinique et prendre un rendez-vous! La morale de cette histoire, il vaut mieux être mourant ou vieux pour avoir accès aux services gratuits, n'essaie surtout pas de faire de la prévention quand tu es jeune! Je ne doute aucunement des bonnes intentions de la Fondation du cancer du sein du Québec. Je trouve seulement ironique d'être autant sollicité afin d'appuyer une fondation pour une maladie pour laquelle je ne peux même pas avoir accès au dépistage!

Fanny LeBlanc, Québec