Selon un sondage La Presse-Angus Reid, 66% des Québécois francophones estiment que la langue française est menacée par le multiculturalisme, qui fait davantage peur que la culture américaine ou canadienne-anglaise. D'après vous, cette crainte est-elle fondée si on tient compte du fait que les enfants des immigrants doivent fréquenter les écoles francophones?

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La peur de l'autre

Ce sondage semble confirmer, quoique je ne sois pas un expert, que le Québécois est profondément xénophobe et méfiant face à l'étranger. La racine du mal elle est dans sa personnalité peureuse, méfiante, complexée et provinciale. Être laissé à soi-même sur une terre vide de tout se qui peut nourrir l'esprit pendant plus de 200 ans laisse des traces.  Dans les années 60, le Québécois avait des complexes face aux français qui débarquaient à Montréal et qui finissaient à Radio-Canada ou comme journalistes, éditeurs, etc. C'était normal puisque les Français s'exprimaient assez bien, n'avaient pas beaucoup de complexes et beaucoup de personnalité. Puis les années passent et maintenant c'est tout le monde qui effraie notre Québécois. Imaginez, les Chinois, Vietnamiens, Pakistanais, les Haïtiens, cet autre que je vois partout et qui déménage dans notre quartier et fréquente nos écoles, nos partis politiques, nos meilleurs collèges. Le Québécois prend pitié lorsqu'il regarde une photo d'un petit Haïtien qui pleure après le séisme, mais il ne parle pas à l'Haïtien qui a déménagé en face de chez lui. Cette belle société distincte que certains politiciens entretiennent si bien, parce que c'est leur «branding» de nous flatter et de nous gonfler l'égo, de nous dire que nous sommes un peuple fier, une race de bâtisseurs, écolos, etc. Foutaise! Mirage! Regardez les chiffres en face et constatez notre retard comme société, notre peur de l'autre, de l'étranger, du monde, des langues, des efforts, du travail, de la réussite et de l'argent.  Bientôt, très bientôt -à Montréal cette réalité est bien là- les autres vont parler trois ou quatre langues, vont sortir des écoles avec des diplômes et une expertise enviable.  Ils demanderont les postes qui correspondent à leurs études et leurs ambitions, la démographie et leur réseau aidant, ils vont diriger et si le Québécois ne les acceptent pas, ce sera l'exode des cerveaux et des capitaux.

Les Québécois doivent étudier encore et encore, ici et ailleurs, visez l'excellence et la rigueur, maîtriser plusieurs langues, travailler fort, se discipliner, voir le monde, économiser, se débarrasser de ses vieux complexes, avoir confiance et arrêter de souhaiter une «job steady» avec un bon boss et un bon représentant syndical. Il n'y a que les faibles et les démunis qui ont besoin des autres pour parler à leur place. Il n'y a que les faibles et les démunis qui ont besoin des vedettes sportives pour se sentir quelqu'un. Y a que les faibles qui ont peur des autres.



Y. Roche

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Une langue malmenée

Je vais oser dire des choses qui  fâchent.  Je suis arrivé au Canada en 2002, venant de Roumanie.  Le français n'est pas ma langue maternelle mais je l'ai appris en Roumanie et mes amis me disent que je le parle très bien.  J'ai inscrit mes enfants à l'école francophone et ils sont maintenant des adolescents qui parlent français couramment.  Mais on ne parle jamais français à ma maison parce que ce n'est pas ma langue maternelle. Je suis très mécontent du français qu'on leur a enseigné.  Il y a deux ans, nous sommes allés en Suisse; mes enfants ont eu du mal a se faire comprendre en français, en ont été vexés et on préféré parler avec le peu d'anglais qu'ils avaient appris. Depuis, ils n'ont qu'une envie c'est d'apprendre encore plus l'anglais.  De mon coté, à part Radio-Canada, je n'arrive pas à écouter les radios locales ou à suivre la plupart des émissions de télé, car les expressions et l'accent sont très difficiles à comprendre.  De plus, on parle tout le temps de la Loi 101, mais jamais de la culture. Ca ne sert à rien de faire des efforts pour apprendre un langue si on n'a pas une certaine fierté à l'écouter et à l'utiliser. Les auteurs francophones qu'on essaie d'enseigner à mes enfants sont bons, mais la langue écrite ne correspond pas à la langue de la rue; comment voulez vous qu'ils s'y reconnaissent et qu'ils fassent le lien?  En résumé, si dans ma famille alors que je suis très francophone, je n'arrive pas à parler français à la maison, et que mes enfants ont moins honte de parler anglais que le français appris ici qu'ils maitrisent parfaitement, je vous laisse imaginer ce que cela va donner dans cinq ans. Je comprends aussi ce que ce doit être pour les familles où les parents ne parlent pas ou peu le français. À cause de cela, oui, on pourrait dire que c'est la faute du multiculturalisme si le français recule.  Ou bien il faudrait peut être relever la tête et faire un effort pour parler de culture et donner des occasions d'être content de parler français



A. Rotar

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Un phénomène inquiétant

Le multiculturalisme ne nous fait pas peur comme tel, c'est simplement un échec comme forme d'intégration. Le multiculturaliste renferme les immigrants avec leurs pairs et devient un frein à leur intégration et, comme au Québec c'est le français qui domine, mais pas dans tous les domaines, ces immigrants glissent souvent vers l'anglais, phénomène qui n'existe pas au Canada. Vu sous cet aspect, je dis oui, le multiculturalisme nous inquiète, mais ne nous fait pas peur. Toutefois qu'on arrête de nous ramener ce terme et de nous casser les oreilles qu'en rejetant le multiculturalisme on est raciste. Le multiculturalisme est un échec dans tous les pays qui l'ont prôné.

Pierre Mercier

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Le Québec n'est pas assez sévère

Je ne suis pas si sûre que ce soit le multiculturalisme qui menace autant notre langue que les nouveaux enseignements et les nouvelles technologies. S'il y a un élément à craindre, ce n'est sûrement pas de la culture canadienne-anglaise, même si la culture américaine a des poussées à cause de la musique et du cinéma. Par ailleurs, le Canada laisse entrer un très grand nombre d'immigrants, alors que d'autres pays, économie oblige, ont diminué les entrées. Qui croit que les enfants d'immigrants fréquentent les écoles francophones? Un couple oriental, dont ni l'un ni l'autre ne parle le français, a acheté un dépanneur local: ils sont arrivés ici il y a seulement trois ans pourtant et leur enfant fréquente une école anglophone.

Josette Lincourt, Saint-Laurent

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Notre devoir

Je ne crois pas que le multiculturalisme soit un danger pour la langue française. C'est plutôt le fait que nous n'avons pas fait une mise à jour de la loi 101 qui constitue une menace. Je crois qu'il faut renforcer cette loi, car c'est le seul rempart pour contrer l'anglicisation du Québec et plus spécifiquement celle des villes de Montréal et de Gatineau. En créant la loi 101 en 1977, nous avons clairement dit que le Québec était français de langue et de culture. Je me rappelle aussi, pour en avoir discuté avec plusieurs immigrants à l'époque, que cette législation n'était pas passée sans heurt. Mais tranquillement, les mentalités ont changé et notre affirmation a été acceptée. Est-ce qu'on peut à nouveau se réaffirmer? Moi, je pense que nous le pouvons et que nous le devons, et ce, sans rien enlever rien à personne.

Paul-E. Paquette, Gatineau

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Peur et xénophobie

Qu'est-ce c'est que cette histoire? Voilà où mène généralement un certain nationalisme: l'autre, l'étranger, le métèque deviennent le réceptacle de toutes les peurs et du ressentiment. Et le multiculturalisme, le «cheval de Troie» d'Ottawa au Québec, deviennent le bouc-émissaire d'une certaine xénophobie déguisée, pour certains, en «bon nationalisme». Tout cela est de la foutaise. Quand un pays accepte des immigrants, il y a nécessairement l'apparition d'une forme ou d'une autre de multiculturalisme. Si l'on ne veut pas de cette bibitte multiculturelle, qu'on ferme tout simplement les frontières aux immigrants.

Michel Lebel

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Le Waterloo

Eh oui!  Ce sera le Waterloo  des intellectuels québécois. C'est la grande erreur de René-Lévesque et compagnie. Ce sera, d'ici 30 ans, le problème majeur de tout le Canada, car les membres des autres ethnies ne voudront pas la culture occidentale.

R. Fournier

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Menacée par le multiculturalisme

Il est évident que la langue française est menacée par le multiculturalisme, malgré le fait que les immigrants doivent fréquenter les écoles francophones. La preuve est qu'ils adoptent l'anglais à la maison, dans les loisirs, les sports, les milieux de travail et les études postsecondaires. Le Québec doit devenir un pays français!

Daniel Roy, C.A.

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Pour un français de qualité

Avant d'accuser le multiculturalisme et le Canada anglais sur le recul du français au Québec, je crois qu'on devrait commencer par se concentrer sur l'amélioration de notre français oral et écrit. Commençons par les gens des médias, qui ne parlent pas très bien la langue et qui ont une diction plutôt négligée. Les Européens et beaucoup de nouveaux immigrants de pays ayant une culture française voient notre français parlé comme un langage de terroir, parfois un peu risible. J'en ai fait l'expérience en France. Imaginez que certains films québécois doivent même être sous-titrés en Europe. Je trouve ça honteux. Les anglophones d'ici et les allophones qui apprennent le français parlent souvent un meilleur français que la plupart des Québécois. Notez que les Français se sentent plus proches des francophones d'Australie que de nous. Arrêtons de penser quantité et visons pour la qualité du français oral et écrit à l'école, à la maison et dans les médias et peut-être que nous serons alors plus respectés par nos voisins et le reste du monde. C'est avec le respect des autres que nous allons assurer notre épanouissement et notre survie.

L. Le Blanc, Montréal

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Encore un épouvantail comme la loi 101

De quelle menace avons-nous encore peur? Vous voulez en voir des sociétés multiculturelles? Allez à Vancouver, à Toronto et dans les autres grandes villes canadiennes. La langue commune de communication est l'anglais. Au même titre que la langue commune de communication au Québec est le français, ainsi que dans toutes les familles francophones du pays, pour ne pas dire du continent. Il en est de même pour les hispanophones, les Arabes, les Italiens, les Grecs, les Polonais et les Asiatiques qui maintiennent leur langue maternelle dans leur famille. La langue de travail, c'est complètement autre chose, dans un contexte de mondialisation. Ici encore, les francophones de la Loi101 s'isolent et se ghettoïsent localement. Ils se referment comme une huître au monde qui les entoure. La loi 101 est une loi qui maintient le Québec dans l'ignorance. La langue maternelle se maintient dans la famille, et ça ne regarde pas l'état. Pour ce qui est de l'éducation, la vision de celle-ci doit s'ouvrir plus grande que la perspective provinciale. La loi 101 n'est qu'une arme politique qui n'a aucune utilité, comme si la répression était une action positive.

Jacques Fréchette