Tout porte à croire que le gouvernement Charest acceptera de se porter garant d'un prêt de 58 millions de dollars afin de maintenir en vie la mine Jeffrey. Et du coup, l'industrie de l'amiante.

Tout porte à croire que le gouvernement Charest acceptera de se porter garant d'un prêt de 58 millions de dollars afin de maintenir en vie la mine Jeffrey. Et du coup, l'industrie de l'amiante.

Fort d'un avis favorable du Conseil régional des élus de l'Estrie, plus rien n'empêche le ministre Clément Gignac de donner sa bénédiction à ce projet de mine souterraine. Plus rien, sinon une probité dont on cherche encore trace dans les nombreuses manoeuvres dilatoires des derniers mois.

Afin de donner un semblant d'authenticité à sa réflexion, le gouvernement a en effet demandé aux élus de la région de se pencher sur le cas du chrysotile. Il a ainsi obligé ces derniers à dissimuler leur jupon à leur tour, ce qu'ils ont fait en tenant une consultation auprès de multiples experts... tous favorables au chrysotile, de l'aveu même des élus. Puis vendredi, réunis en Conseil, ils ont pondu un avis chantant les louanges du chrysotile.

Récapitulons : un gouvernement favorable à l'amiante demande à des élus favorables d'écouter des experts favorables afin qu'ils pondent un avis favorable. Ce qui donnera une décision...?

Le suspense nous tue.

Pourtant, il n'y a qu'à porter son regard au-delà de la rue principale d'Asbestos pour mesurer l'étendue de l'opposition à cette substance cancérogène. Dernière en date, The Lancet, qui demande «au gouvernement du Québec de ne pas soutenir la relance de la mine Jeffrey».

Le seul fait que la plus ancienne et respectée des revues scientifiques médicales exhorte la province à mettre fin à l'«exportation immorale de morts et de maladies liées à l'amiante chez des populations parmi les plus vulnérables du monde» démontre l'isolement des élus de la région. Surtout que The Lancet ne fait qu'ajouter sa voix à celles d'innombrables groupes de tous horizons.

Pourquoi le Conseil régional n'a pas cru bon les entendre? Simplement, répond-il, parce qu'il «a choisi, à dessein, de ne pas retenir l'opinion d'organismes ou d'individus farouchement opposés ou résolument en faveur du maintien de l'industrie du chrysotile en région»...

Du coup, il s'est contenté de répéter ce que tous savent déjà: l'exploitation de cette substance au Québec est tout à fait sécuritaire. Ce qui est l'évidence même. Mais l'enjeu est ailleurs, plus précisément à des milliers de kilomètres de la province, là où les victimes de ce dumping toxique ne se comptent même plus.

Quelle vision à courte vue à laquelle s'apprête à succomber Québec! On fait semblant d'ignorer que l'amiante est en sursis, on ferme les yeux sur ces victimes qui tombent loin de la Colline parlementaire et on rebranche l'industrie sur aspirateur artificiel, tout ça pour maintenir 450 jobs.

Or ce n'est pas du maintien d'un unique pôle d'emplois condamné dont Asbestos a besoin, mais bien d'une diversification de l'économie locale et d'un programme de transition professionnelle pour les travailleurs de l'amiante.

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