Elle a 25 000 ans, et on l'a retrouvée il y a tout juste cent ans à Willendorf, près de Vienne la célèbre Vénus autrichienne, tout droit venue du Paléolithique, est loin d'avoir livré tous ses secrets.

Sortie de terre le 7 août 1908 par trois paléontologues autrichiens, cette Vénus en pierre taillée de 11 centimètres n'est pas une Vénus comme les autres.

«C'est la première statuette (de cette époque) dont les traits sont aussi détaillés, et c'est aussi la première statuette à avoir été découverte à l'époque sur un chantier archéologique», explique Walpurga Antl-Weiser, responsable de la section Préhistoire du Musée d'histoire naturelle de Vienne.

Ce musée lui consacre, en cette année du centième anniversaire de sa découverte, une exposition particulière jusqu'au 1er février 2009 avec une foule d'objets de la vie courante il y a 25 000 ans.

Taillée dans du calcaire oolithique, cette statuette de couleur ocre se caractérise par une silhouette plutôt rondelette. La tête penchée, sans visage ni pieds mais avec une abondante chevelure bouclée, la Vénus a les mains posées sur ses seins et son ventre proéminents.

«Cette statue est vraiment remarquable, et lorsqu'on observe la manière dont elle a été taillée, la manière dont les muscles et les différentes parties du corps ont été représentés, le sculpteur a forcément observé un modèle», précise Mme Antl-Weiser.

Selon elle, la sculpture est «à la fois le résultat de l'observation parfaite d'un corps humain, mais elle a aussi été arrangée, afin de rendre ses formes plus harmonieuses.»

Restée unique durant une vingtaine d'années, avant la découverte des Vénus de Lespugue, en France, ou de Kostienski, en Russie, la Vénus de Willendorf demeure dans l'inconscient des visiteurs du musée d'histoire naturelle de Vienne leur Vénus préférée. «Je crois que beaucoup de visiteurs viennent uniquement au musée pour voir la Vénus», souligne Mme Antl-Weiser.

L'attrait particulier pour cette petite femme viendrait-il des mystères de son origine? Car on ignore toujours s'il s'agissait d'une déesse ou d'une icône qui aurait pu symboliser la supériorité des femmes dans la société préhistorique.

«Nous ne pensons pas qu'elle puisse représenter l'image de la femme préhistorique», note Mme Antl-Weiser, «car elle représente une femme plutôt âgée, qui a sûrement déjà eu des enfants.»

«D'autre part, nous ne pouvons pas affirmer que les femmes à cette époque jouaient un rôle prédominant et que ces statuettes féminines les honoraient. Car beaucoup d'autres statuettes (de l'époque) représentent des animaux, des hommes-animaux ou des êtres humains asexués», rappelle-t-elle.

Et plutôt que d'évoquer la Vénus comme une déesse, il serait plus sage d'envisager cette statuette comme l'élément d'un rite, d'une croyance, qui aurait pu être partagée par plusieurs peuplades il y a plus de 20 000 ans. En effet, les Vénus de Lespugue ou de Kostienski présentent les mêmes caractéristiques que celle de Willendorf. «Elles pourraient donc exprimer une même croyance, qui s'était propagée dans toute l'Europe», toujours selon l'experte du musée.

Autre interrogation restée sans réponse : d'où venait-elle exactement?

Si d'autres fouilles et d'autres statuettes ont été trouvées à Willendorf, il n'y a aucune trace de la pierre utilisée pour la sculpter. «Dès lors, soit la Vénus a été apportée ici, soit ces fragments ont été égarés lorsque la ligne de chemin de fer a été construite, au 19e siècle», souligne-t-elle.