La théorie de l'évolution de Charles Darwin, publiée il y a 150 ans, a ébranlé les fondements de la société. À l'occasion du bicentenaire de l'anniversaire de Darwin, notre collaboratrice a visité une rétrospective de l'oeuvre du géant de la biologie moderne au Musée d'histoire naturelle de Londres. Et constaté que le darwinisme dérange toujours.

Le petit Matthew Mitchell faisait ses premiers pas hier dans l'univers de la théorie de l'évolution à l'exposition sur Charles Darwin au Musée d'histoire naturelle de Londres.

 

Ce qu'il a préféré? «Le squelette de la chauve-souris vampire! Son crâne ressemble à celui d'un humain et elle a cinq doigts, comme nous», dit l'enfant de 8 ans, accompagné de sa mère Tracy Mitchell.

Une immense photo noir et blanc de Charles Darwin interpelle les visiteurs de l'exposition. L'homme barbu appuie son index plissé sur sa bouche.

Le secret qu'il semble vouloir intimer aux passants, il a attendu 20 ans avant de le révéler, en 1858: la théorie de l'évolution par la sélection naturelle. «C'est comme confesser un meurtre», avait-il écrit à un collègue en 1844.

On célèbre aujourd'hui le bicentenaire de la naissance de Charles Darwin. L'année 2009 marque aussi le 150e anniversaire de la publication de L'origine des espèces, son essai révolutionnaire qui donna naissance à la biologie moderne.

Essai révolutionnaire

Près de 300 événements souligneront ce double anniversaire cette année dans le monde, de la Chine aux fameuses îles Galápagos.

C'est dans cet archipel que Darwin, alors âgé de seulement 26 ans, se met sur la piste de l'évolution des espèces. Son observation de deux polyglottes moqueurs aux plumages différents sera décisive.

Les deux oiseaux, toujours étiquetés avec l'écriture du jeune biologiste, trônent d'ailleurs sur un coussin de velours au Musée d'histoire naturelle de Londres. Figure aussi un carnet de notes où Darwin a gribouillé un arbre généalogique, suggérant que tous les animaux, y compris les humains, partagent un ancêtre commun.

Une idée qui avait choqué le clergé et même la propre femme de Darwin, Emma Wedgwood, chrétienne dévote.

Elle dérange encore aujourd'hui. Notamment aux États-Unis où 70% des chrétiens fondamentalistes rejettent la théorie de Darwin. Des lobbys religieux exigent l'enseignement du créationnisme ou de l'intelligent design dans les cours de biologie. Au Kentucky, des humains côtoient des dinosaures dans un musée créationniste.

Pourtant, le Vatican a bel et bien enterré la hache de guerre avec le darwinisme. «Aucun des mécanismes de l'évolution ne s'oppose à ce que Dieu ait voulu et créé l'homme», a déclaré mardi dernier l'archevêque Gianfranco Ravasi, conseiller pontifical de la Culture.

Le créationnisme ne sera même pas débattu à une conférence extraordinaire sur l'oeuvre de Darwin, prévue en mars à l'Université pontificale grégorienne.

Des excuses posthumes

En Grande-Bretagne, l'Église anglicane est allée encore plus loin. Elle a présenté des excuses posthumes auprès de Charles Darwin l'an dernier pour avoir rejeté ses travaux, il y a 150 ans.

Il faut dire que les Britanniques le vénèrent, au même titre que William Shakespeare. Le célèbre biologiste à la barbe hirsute s'est retrouvé parmi les cinq plus grands Britanniques de tous les temps dans un sondage de la BBC en 2002.

Le père de la biologie moderne figure sur le billet de 10 livres sterling depuis 2000. Aussi, le gouvernement britannique veut inscrire au patrimoine mondial sa maison à Bromley, en banlieue de Londres.

«Darwin est toujours considéré comme le suprême arbitre de toute chose scientifique», affirmait Ben Macintyre dans le Times hier.

Une opinion confirmée par le chef du département de zoologie de l'Université d'Oxford, Paul Harvey. «Il a par exemple contribué à la géologie en expliquant la formation des récifs coralliens», dit le professeur qui espère que cet anniversaire dissipera les malentendus sur Darwin.

Au Musée d'histoire naturelle, Tracy Mitchell, mère du petit Matthew, s'émerveillait hier devant les ramifications de sa théorie. «Quand on pense aux virus qui deviennent résistants aux médicaments... il avait vraiment vu juste!»