Les mauvais traitements subis pendant l'enfance laissent des traces plus profondes qu'on ne l'avait imaginé: jusque sur l'ADN des victimes. Des chercheurs montréalais ont découvert que, loin d'être immuables, les mécanismes d'expression de notre code génétique pouvaient être altérés par nos conditions de vie en bas âge. Des cicatrices aux conséquences non négligeables qui augmenteraient les risques de commettre une tentative de suicide.

Les chercheurs de l'Université McGill et de l'Institut Douglas en sont venus à cette conclusion après avoir analysé les cerveaux de 36 hommes décédés au Québec: 12 d'entre eux s'étaient suicidés et avaient été victimes d'abus sexuels ou physiques, 12 s'étaient suicidés malgré une enfance dite «normale», et 12 autres sont morts de façon naturelle.

Les cerveaux des sujets qui avaient subi des sévices avaient tous un point en commun: ils portaient tous des cicatrices similaires sur l'enveloppe chimique des gènes responsables de moduler notre réponse au stress. Ces cicatrices, ou traces, empêchaient le bon fonctionnement de ces gènes et avaient augmenté la vulnérabilité aux idées suicidaires de ces personnes. Ces résultats confirment pour la première fois chez l'humain des observations faites sur des rats dans des études précédentes, selon lesquelles les soins maternels jouent un rôle significatif sur les gènes qui contrôlent la réponse au stress.

«L'expérience clinique nous avais déjà appris qu'une enfance difficile peut avoir des conséquences sur le cours de la vie, mais aujourd'hui, nous commençons à comprendre que ces sévices physiologiques ont aussi des conséquences biologiques indéniables», explique le professeur de l'Université McGill Michael Meaney. Les résultats de cette étude sont publiés dans le numéro du 22 février de Nature Neuroscience.

Cette découverte ouvre la voie à une toute nouvelle manière d'aborder le traitement de la détresse psychologique. Les chercheurs de l'Université McGill et de l'Hôpital Douglas se pencheront maintenant sur les moyens de corriger les traces laissées sur l'enveloppe de l'ADN qui empêchent l'expression de certains gènes responsables de la gestion du stress.

Les échantillons de cerveaux utilisés provenaient de la Banque de cerveaux du Québec, administrée par l'Institut universitaire en santé mentale de l'Hôpital Douglas. L'étude, menée conjointement par l'Université McGill et l'Hôpital Douglas, a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada et le National Institute of Child Health and Human Development des États-Unis.