Une équipe américaine a mis au point un nez électronique permettant de détecter facilement la présence et la concentration de produits chimiques industriels toxiques, selon des résultats rendus publics dimanche qui pourraient contribuer à la protection des salariés de l'industrie.

Des tests portant notamment sur l'ammoniac, l'acide nitrique, le dioxyde de souffre, ont permis de différencier «19 produits industriels toxiques, en l'espace de deux minutes d'exposition à des concentrations immédiatement dangereuses pour la vie ou la santé», selon l'étude publiée en ligne par la revue scientifique Nature Chemistry. Ce nouveau dispositif garde «un fort potentiel de simplification qui permet d'envisager un usage aussi simple que celui des dosimètres d'exposition à la radioactivité», estime Jean-Claude Pernollet, spécialiste français de la biochimie et de la neurobiologie de l'olfaction, interrogé par l'AFP.

Ce nez artificiel utilise 36 pigments différents dont la couleur change en fonction de leur environnement chimique dans l'air. Ces pigments chimiosensibles sont répartis sur une structure nanoporeuse de la taille d'un timbre poste.

La présence et la concentration d'un gaz toxique sont indiquées par le changement du motif coloré formé par les différents pigments et non par la modification d'un unique pigment.

C'est une «idée très pertinente» qui, selon le Dr Pernollet (Institut national français de la recherche agronomique), «s'inspire, dans son principe, du fonctionnement du système olfactif des vertébrés», chez lesquels «une molécule odorante est perçue via une carte olfactive constituée d'un ensemble spécifique de neurones activés».

Dans le nez artificiel, «le changement du motif des couleurs est une empreinte moléculaire unique pour chaque gaz toxique», explique le professeur Kenneth Suslick (Université de l'Illinois, États-Unis) qui a conduit ces travaux.

«En comparant ce motif avec un répertoire d'empreintes colorées, nous pouvons identifier et quantifier les produits chimiques industriels toxiques en quelques secondes», ajoute-t-il dans un communiqué.

Pour analyser les différences de motifs, l'image des pigments colorés doit être enregistrée avant et après exposition aux produits chimiques. Les chercheurs, qui s'étaient d'abord servi d'un scanner ou d'un appareil photo numérique, ont ensuite mis au point un lecteur portable incluant un appareil photo, qui doit être commercialisé par la société iSense de Palo Alto associée à ces travaux.

Ce nez artificiel est «simple, rapide et peu coûteux», souligne l'Université de l'Illinois, précisant qu'il n'est pas affecté par des modifications du niveau d'humidité.

Le Dr Pernollet a relevé «la qualité exceptionnelle des résultats obtenus», la détection de chacun des 19 produits chimiques ayant été réussie sept fois sans erreurs lors des tests.

Il s'est toutefois interrogé sur les capacités de ce «nez» à détecter des molécules odorantes présentes, en faible concentration, au sein de mélanges complexes, relevant que l'article «ne rapporte aucune étude systématique concernant les interférences entre composés chimiques».