Mystère chez les apiculteurs: depuis plusieurs années, des colonies entières d'abeilles s'évanouissent dans la nature et ne rentrent pas chez elles, laissant leur reine se débrouiller quasiment seule dans la ruche abandonnée.

Les scientifiques présents au congrès mondial Apimondia à Montpellier se perdent en conjectures. D'autant que l'absence de cadavres d'abeilles à proximité des ruches ainsi désertées complique l'enquête.

Aux États-Unis, les chercheurs parlent d'un «syndrome d'effondrement des colonies» (Colony collapse disorder, CCD).

En 2007 et en 2008, les États-Unis ont perdu 36% de leurs colonies d'abeilles. Et les pertes liées au CCD ont encore atteint 30% au cours de l'hiver 2009, a indiqué à Montpellier Dennis van Engelsdorp, coordinateur d'un groupe de travail américain sur la question.

Pesticides, maladies, virus, agriculture intensive, de multiples causes peuvent expliquer la disparition des abeilles.

Mais «le CCD est une manifestation particulière des troubles de l'abeille», explique le chercheur français Gérard Arnold, président du comité scientifique du congrès Apimondia.

«Les colonies s'effondrent, les abeilles ne reviennent pas à la ruche et on ne retrouve pas d'abeilles mortes», indique-t-il.

«Dans les autres cas, on voit les colonies s'affaiblir peu à peu et on trouve des abeilles mortes autour de la ruche», ajoute-t-il.

Les experts européens considèrent que le syndrome d'effondrement des colonies pourrait être le résultat d'une combinaison de causes.

Pour le docteur Jean-Marc Bonmatin, chercheur à Orléans (centre), «le CCD est la conséquence d'un affaiblissement général des colonies d'abeilles, c'est l'étape ultime».

Mais il désigne un coupable: «depuis des milliers d'années, les abeilles se sont très bien accomodées des parasites et des maladies, ce qui est nouveau c'est ce qui a été introduit par l'homme: les neurotoxiques».

«Si les abeilles ne reviennent pas à la ruche, cela veut dire qu'elles ont rencontré en cours de route quelque chose qui les a tuées», explique-t-il.

Ainsi, après avoir butiné des tournesols traités au niveau des semences par des pesticides neurotoxiques, les abeilles présentent des «comportements anormaux, elles sont prises de convulsions», indique-t-il.

«Les pesticides affaiblissent les colonies et des agents pathogènes en profitent», renchérit Marc-Edouard Colin, docteur vétérinaire et chercheur à Montpellier.

Et pour expliquer la disparition des insectes, il rappelle que «certains insecticides peuvent désorienter les butineuses qui se perdent et ne reviennent pas à la ruche».

Des scientifiques américains de l'Université Columbia (New York) ont de leur côté montré dans une étude parue en septembre 2007 qu'un virus était impliqué dans la disparition massive des abeilles.

Il s'agit d'une variante du virus baptisé IAPV (Israëli Acute Paralysis Virus) qui paralyse les abeilles. L'IAPV était le seul micro-organisme présent dans quasiment tous les échantillons provenant des ruches affectées, ont-ils souligné.

«Ce qui ne veut pas dire que l'IAPV soit la cause de ce phénomène de disparition, c'est juste un indicateur d'affaiblissement», fait remarquer Jean-Marc Bonmatin qui estime «urgent de faire quelque chose contre les neurotoxiques, sinon on va dans le mur».

L'Union nationale de l'apiculture française a de son côté lancé un «appel solennel» aux pouvoirs publics pour «une évaluation plus rigoureuse et complète de la toxicité des produits phytosanitaires».