Les nanoparticules utilisées en médecine endommagent à distance l'ADN de cellules humaines, par delà une barrière du type de celles protégeant de nombreux organes, selon une étude qui relance le débat sur les risques des nanotechnologies.

Une équipe de chercheurs de plusieurs instituts de recherche britanniques, qui publie ses travaux jeudi dans la revue spécialisée Nature Nanotechnology, a testé l'effet à distance sur des tissus conjonctifs humains de nanoparticules de cobalt-chrome, qui servent notamment dans la fabrication de têtes de fémur pour les hanches artificielles.

En contact direct avec des organes, ces nanoparticules d'un diamètre moyen de 29,5 nanomètres, ou milliardièmes de mètre, sont connues pour pouvoir endommager l'ADN, provoquer des aberrations chromosomiques, voire la mort de cellules, si elles sont utilisées au-delà d'un certain seuil de concentration.

Un test de laboratoire cité par une étude de l'université de Leeds, en Grande-Bretagne, en 2007, a montré qu'un million de ces nanoparticules de cobalt-chrome sont libérées dans le corps à chaque pas effectué par un patient.

Mais aucune étude n'avait encore été réalisée pour examiner la toxicité de nanoparticules positionnées de l'autre côté d'une barrière cellulaire.

Gevdeep Bhabra du Bristol Implant Research Centre et ses collègues ont utilisé comme «barrière» des cellules BeWo, souvent employées dans des modèles in vitro, par exemple pour modéliser le transport des acides aminés dans le placenta.

En laboratoire, ils ont placé des nanoparticules de cobalt-chrome à côté des cellules BeWo, et de l'autre des cellules de tissu conjonctif (fibroblaste) humain.

«A notre grande surprise, non seulement nous avons constaté des dégâts de l'autre côté de la barrière, mais nous en avons trouvé autant que s'il n'y en avait pas», a déclaré Charles Patrick Case, l'un des auteurs de l'étude au cours d'une conférence de presse à Londres.

Cette dégradation s'est produite alors que «les nanoparticules n'ont pas traversé cette barrière», souligne l'étude.

Le mécanisme par lequel les tissus situés de l'autre côté de la barrière sont affectés reste en revanche mal expliqué, même si les chercheurs soupçonnent que des molécules jouent un rôle de transmetteur d'informations.

Reste à voir si cette expérience de laboratoire est fidèle aux réactions du corps humain, ont souligné les auteurs lors de leur conférence de presse, tout en appelant à ne pas passer à côté des avancées prometteuses des nanotechnologies.

«Si c'est ainsi que fonctionnent les barrières dans le corps humain, la première chose intéressante est que nous pouvons développer de nouveaux médicaments pour agir par delà ces barrières sans avoir à les traverser», a déclaré pour sa part Ashley Blom, un chirurgien orthopédiste de l'université de Bristol.

«De petites particules comme des virus ou des prions pourraient utiliser de tels mécanismes», a ajouté ce médecin qui entrevoit déjà «un champ entièrement nouveau pour la recherche».

Cet article est publié alors qu'un débat public a été lancé en France sur les nanotechnologies, avec des rencontres organisées dans 17 villes du 15 octobre au 23 février.

De son côté, l'Office fédéral de l'environnement allemand (UBA) a jugé le 21 octobre qu'en attendant d'en savoir plus sur les effets secondaires des nanoparticules, «l'utilisation de produits qui contiennent ou peuvent libérer des nanomatériaux devrait être évitée dans la mesure du possible, le temps que leurs effets sur l'homme et l'environnement soient mieux compris».