Une équipe française a franchi un nouveau palier dans la thérapie génique en traitant avec succès, par greffe de cellules souches «corrigées», deux enfants atteints d'adrénoleucodystrophie, une maladie génétique rare, mortelle, dépeinte dans le film «Lorenzo» de George Miller.

«C'est la première fois qu'on corrige par thérapie génique une grave maladie du cerveau», a déclaré à la presse Nathalie Cartier, un des principaux chercheurs de l'équipe avec Patrick Aubourg (Institut national de la santé et de la recherche médicale - Université Paris-Descartes).

Après 16 années de recherche, ce résultat «ouvre la porte à un tas d'autres maladies», a-t-elle ajouté.

L'adrénoleucodystrophie liée au chromosome X entraîne une destruction de la gaine (myéline) qui entoure les neurones. Les cellules nerveuses ne peuvent plus fonctionner. Cette maladie affecte les garçons (1 sur 17 000) à partir de 6-8 ans et entraîne leur décès avant l'adolescence.

Le traitement, initié en 1989 par le Pr Aubourg, repose sur la greffe de moelle osseuse. Mais encore faut-il trouver un donneur compatible. De plus, la greffe présente des risques de complications graves (risque de mortalité de 15% chez l'enfant).

La nouvelle approche, dont les résultats sont publiés vendredi dans la revue américaine Science, consiste à greffer les propres cellules de moelle osseuse du patient, après traitement par thérapie génique.

Les cellules souches de la moelle osseuse sont prélevées, puis «corrigées» par insertion d'un gène «médicament», efficace, pour remplacer celui, déficient, à l'origine de la maladie. Ces «cellules médicaments» sont ensuite réinjectées au malade.

Pour introduire le gène correcteur dans les cellules, l'équipe du Pr Aubourg a utilisé un vecteur dérivé du virus VIH (rendu inoffensif). «C'est la première fois qu'on utilise un vecteur dérivé du VIH pour corriger des cellules souches de la moelle osseuse», a souligné le Dr Cartier.

Les deux premiers malades traités par cette méthode, faute de donneurs disponibles, étaient âgés de 7 ans et 7 ans et demi quand ils ont été pris en charge par le Pr Aubourg à l'Hôpital Saint-Vincent de Paul (Assistance Publique-Hôpitaux de Paris).

Le traitement des cellules et l'auto-greffe ont été réalisés dans les services de pionniers en thérapie génique (bébés-bulles), Marina Cavazzana et Alain Fischer, à l'hôpital Necker.

«Les enfants vont bien, ils vont à l'école», a indiqué le Dr Cartier. Quatorze mois après le traitement, on constate «une stabilisation complète de la maladie», a-t-elle ajouté, avec une proportion de «15% de cellules corrigées à long terme».

Aucun effet secondaire n'a été observé jusqu'ici. Les analyses réalisées par Christof Van Kalle (Centre national pour les maladies tumorales, Heidelberg, Allemagne) n'ont pas montré d'anomalies génomiques dans les cellules corrigées.

Mais les chercheurs demeurent prudents, l'utilisation des vecteurs de thérapie génique restant délicate, avec notamment un risque de modifier la biologie de la cellule et d'engendrer des effets délétères.

«Il faudra traiter plus de patients, plus longtemps, pour être définitivement rassuré», a indiqué le Pr Aubourg. Un 3e malade a été traité, mais il est trop tôt pour parler de succès, a-t-il précisé.

Le projet a été soutenu par ELÀ (Association européenne contre les leucodystrophies) parrainée en France par Zinédine Zidane, et l'Association française contre les myopathies (AFM), organisatrice du Téléthon.