Mais qui était exactement Ardi? L'an dernier, ce fossile originaire d'Ethiopie a été présenté comme une découverte cruciale pour l'histoire de l'évolution humaine, mais aujourd'hui les scientifiques s'interrogent: était-il vraiment un ancêtre de l'homme et dans quel environnement a-t-il vécu?

Des chercheurs contestent aujourd'hui son appartenance à la branche humaine de l'évolution des espèces. Leurs travaux sont publiés dans la revue «Science».

Selon l'étude initiale, publiée par la même revue en octobre, Ardi, diminutif d'Ardipithecus ramidus, vivait il y a 4,4 millions d'années, et était une créature de sexe féminin mesurant 1,20m et pesant 50kg. Ses ossements ont été découverts entre 1992 et 1994 dans la région de l'Afar en Ethiopie.

Ardi a vécu un million d'années avant Lucy -l'un des plus célèbres fossiles du monde, découvert en 1974 et longtemps considéré comme le plus vieil hominidé connu. Sa découverte a été présentée en octobre dernier comme un éclairage nouveau sur l'évolution du genre humain. Les chercheurs avaient conclu qu'Ardi marchait debout et vivait dans un habitat arboré (bois, forêts).

Dans la nouvelle étude, Esteban Sarmiento, de la Fondation sur l'évolution humaine d'East Brunswick (New Jersey), se dit sceptique sur l'appartenance d'Ardi à la branche de l'évolution qui a conduit à l'homme moderne. Selon lui, les caractéristiques anatomiques citées par l'étude initiale n'apportent pas de preuves convaincantes sur ce point. Certaines de ces caractéristiques, affirme-t-il, indiquent au contraire qu'Ardi est apparu avant que les humains ne se séparent de la lignée des grands singes africains.

Deux autres experts interrogés par l'Associated Press estiment toutefois qu'il est trop tôt pour dire quelle place occupe Ardi dans l'histoire de l'évolution. Will Harcourt-Smith, du Muséum américain d'histoire naturelle, dit ne pas être ne mesure de se prononcer sur l'opinion de M. Sarmiento. «Nous n'en sommes qu'au début» de l'analyse d'Ardi, souligne-t-il.

Pour M. Harcourt-Smith, «tant que nous n'aurons pas une description plus complète du squelette, il faut être prudent sur l'interprétation des analyses initiales dans un sens comme dans l'autre.» Mais il n'est pas d'accord avec l'argument de M. Sarmiento selon lequel Ardi est probablement trop vieux pour appartenir à la branche humaine de l'évolution.

Rick Potts, du Muséum d'histoire naturelle de la Smithsonian Institution, note qu'Ardi a vécu dans une période mal connue de l'évolution, au cours de laquelle «beaucoup d'expérimentations» ont pu survenir. «Je pense qu'il est trop tôt» pour se prononcer sur son lien de parenté avec l'homme.

L'autre critique porte sur l'environnement d'Ardi. L'hypothèse d'un habitat arboré avancée l'an dernier va à l'encontre de l'idée selon laquelle les premiers ancêtres de l'homme auraient commencé à marcher debout parce qu'ils vivaient dans des plaines herbeuses et des savanes.

Dans la nouvelle étude, le géochimiste Thure Cerling, de l'université d'Utah, et d'autres chercheurs estiment qu'Ardi a vécu dans un environnement de savane ne comprenant pas plus de 25% de forêt. Leur théorie se fonde sur l'analyse de sédiments anciens, de dents d'animaux retrouvés sur le site des fouilles et de minuscules grains de silices découverts dans des plantes.

Le débat autour d'Ardi ne surprend pas Tim White, de l'université de Californie, l'un des auteurs de l'étude publiée l'an dernier. «C'était totalement prévisible», dit-il. «Chaque fois que vous avez quelque chose d'aussi différent qu'Ardi, vous allez probablement en avoir un.»

Dans «Science» et dans un entretien à l'AP, M. White défend l'étude présentée l'an dernier. «Les preuves sont très claires que chez l'Ardipithecus, il y a des caractéristiques partagées seulement par les hominidés apparus plus tard (...) et les humains.» S'il reconnaît la présence de savane dans l'environnement d'Ardi, il assure que tout indique qu'Ardi préférait vivre dans les zones boisées. Reste que le débat est loin d'être clos... Sur le web:

https://sciencemag.org

https://sciencemag.org/ardipithecus