L'étude d'échantillons provenant du mystérieux lac Vostok, atteint par des chercheurs russes sous près de quatre kilomètres de glace dans l'Antarctique, pourrait générer des révélations sur l'évolution de la Terre et même de nouvelles formes de vie, estimaient jeudi des scientifiques.

«Il est possible, même si c'est peu probable, que des micro-organismes jusqu'ici inconnus de l'homme soient découverts» dans ce lac situé dans l'un des endroits les plus inaccessibles de la Terre, a déclaré à l'AFP Guerman Leïtchenkov, de l'Institut russe de recherche scientifique.

«Des micro-organismes ont peut-être évolué et se sont accommodés à ces conditions rudes» sous la calotte glaciaire du pôle Sud, a ajouté ce spécialiste des ressources de l'Antarctique.

Vladimir Syvorotkine, de la prestigieuse Université d'État de Moscou, est plus affirmatif encore, et pense que «les biologistes vont y découvrir des bactéries inconnues» à ce jour.

Après deux décennies de forage, une équipe russe a réussi à atteindre dimanche ce lac isolé de la surface depuis des centaines de milliers d'années, à 3769,3 mètres de profondeur.

Les scientifiques russes envisagent d'atteindre le fond du lac Vostok au cours des années 2013-2014, a indiqué Sergueï Boulat, spécialiste de l'Institut de physique nucléaire de Saint-Pétersbourg, observant que la profondeur de l'eau en dessous du trou de forage était estimée à 600-700 mètres.

L'eau du lac Vostok, grand comme le lac Ontario, est restée liquide grâce au réchauffement géothermique et à l'isolation par la couverture de la glace.

«Si on découvre une vie microbienne dans ces eaux à forte concentration d'oxygène, ce sera la plus grande découverte, dans la mesure où une telle forme de vie est jusqu'ici inconnue sur Terre», selon M. Boulat.

Déjà en 2010, des chercheurs américains avaient découvert au fond d'un lac de Californie une bactérie capable de se développer à partir de l'arsenic -- nouvelle forme de vie qui a bouleversé la recherche sur la vie.

Le directeur de l'expédition russe, Valeri Loukine, a indiqué mercredi que les premiers échantillons seraient prélevés en décembre, lors du prochain été dans l'Antarctique.

«Dans les couches de sédiments, il y a des informations sur les changements de la nature et du climat depuis 15-20 millions d'années dans le centre de l'Antarctique», estime M. Leïtchenkov.

La découverte de telles informations, si elle se confirme, serait «unique», dans la mesure où «nous disposons pour le moment de très peu de données sur cette partie de l'Antarctique», continent recouvert en quasi-totalité de glace, a-t-il ajouté.

Mais «il faudra mettre au point une technologie de forage fiable du point de vue de la sécurité, afin d'éviter toute pollution», a estimé M. Leïtchenkov.

Des voix se sont déjà élevées pour dénoncer les forages effectués par les Russes par une température moyenne de -50°C, des scientifiques français et britanniques s'inquiétant des risques de pollution.

Le professeur Martin Siegert, directeur de l'École de géosciences de l'Université d'Édimbourg, a ainsi relevé que les Russes utilisaient du kérosène autour de leur trou de forage pour l'empêcher de se refermer.

Jusqu'au début des années 2000, une équipe française était impliquée dans les travaux au lac Vostok, mais elle s'est arrêtée pour ne pas polluer, alors que les Russes ont continué pour une «question de prestige national», selon le Français Jean Jouzel, directeur de recherche au Commissariat à l'énergie atomique (CEA).

Signe de l'importance de cette expédition pour Moscou, le ministre russe des Ressources naturelles et de l'Écologie, Iouri Troutnev, s'est rendu la semaine dernière sur le site du forage.