L'oeil à facettes des mouches, des abeilles ou des libellules inspire les chercheurs pour créer de légers robots volants ou mettre au point des bandes dotées de capteurs pouvant détecter les obstacles et alerter des aveugles d'un danger.

Apparus sur Terre voici 400 millions d'années, les insectes ont rapidement conquis les airs. Fasciné par leurs prouesses en vol, Nicolas Franceschini (Institut des sciences du mouvement, Marseille) a voulu en tirer les leçons.

«Les robots savent difficilement s'adapter à un environnement changeant, les insectes sont admirables en ce sens», souligne ce spécialiste de biorobotique.

Les mouches sont capables d'éviter les obstacles, «chose qu'on cherche encore à réaliser pour les appareils rapides en robotique», de poursuivre des congénères, de faire du vol stationnaire et des atterrissages de précision, relève-t-il.

Leur secret, c'est «la vision du mouvement», «le flux optique» qui défile sur la rétine pendant le vol.

Le paysage, le sol, les obstacles ne sont pas vus en détail, mais leur éloignement relatif est perçu en fonction de la vitesse de défilement de l'image. «Les objets à très grande distance défilent à une vitesse angulaire faible, alors que les objets proches défilent avec une vitesse très élevée», explique M. Franceschini.

Quelques dizaines de neurones détecteurs de mouvement et 18 paires de muscles à chaque aile suffisent pour que les mouches se guident de façon autonome.

«Les insectes peuvent naviguer à toute vitesse, alors que la résolution de leur oeil est assez pauvre», souligne M. Franceschini. La grosse mouche bleue, la mieux dotée avec 5.000 facettes (l'équivalent de 5.000 pixels), vole à 10 mètres par seconde.

Utiliser le flux optique plutôt que des images détaillées de l'environnement limite la quantité d'informations à traiter, ce qui peut aussi être un atout pour les robots.

Caméra flexible

Ça exige «moins de capacités calculatoires que tous les autres systèmes proposés dans la robotique jusqu'ici», met en avant le chercheur, dont le laboratoire a déjà mis au point un robot hélicoptère d'une centaine de grammes et un mini-aéroglisseur.

Il leur suffit de capteurs de quelques pixels pour naviguer en se répérant grâce au flux optique.

L'objectif du projet européen Curvace (Curved Artificial Compound Eyes) est plus ambitieux: réaliser un oeil composé miniature pesant seulement 1,7 gramme grâce à de microscopiques lentilles focalisant la lumière sur des photorécepteurs reliés par des dispositifs électroniques.

Avec près de 700 pixels, l'équivalent de l'oeil à 700 facettes de la drosophile ou mouche du vinaigre, l'image restera pauvre. Moins bonne que celles que perçoivent les mouches domestiques (3.000 pixels). Mais la vision sera panoramique.

L'oeil sera rond comme une bille ou cylindrique pour équiper des micro-robots volants, ou sous la forme d'une bande flexible de 1 millimètre d'épaisseur.

Des aveugles pourraient porter une ou plusieurs de ces bandes autour de la tête ou du corps et détecter ainsi «des objets qui s'approchent rapidement, comme une voiture», ou des obstacles au niveau de leur tête, alors qu'ils se déplacent avec leur canne, fait valoir Ramon Pericet-Camara, chercheur à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (Suisse) chargée de coordonner ce projet.

«C'est, dit-il, la première caméra vraiment fonctionnelle flexible, adaptable à une quantité de surfaces».

Des vibrations pourraient avertir les aveugles du risque de collision et de la direction d'où vient le danger.