C'est une page qui se tourne pour la NASA: Atlantis doit entamer vendredi - sauf mauvais temps - à Cap Canaveral, en Floride, la 135e et ultime mission d'une navette spatiale américaine, avec à son bord un équipage réduit à seulement quatre astronautes.



Tous dans leur quarantaine, le commandant Christopher Ferguson, le co-pilote Douglas Hurley et leurs équipiers Rex Walheim et Sandra Magnus fréquentaient encore le lycée ou l'université lorsque la première navette a décollé en 1981. À l'époque, seulement deux pilotes se trouvaient à bord pour une mission consistant à voler pendant deux jours.

«Nous sommes très honorés» d'avoir été choisis pour cette mission, souligne Ferguson, un ex-capitaine de l'US Navy, qui note que «beaucoup de gens» auraient pu «l'être à notre place». La NASA cherchait des astronautes expérimentés lorsqu'ils ont formé cet équipage minimaliste chargé de livrer des ravitaillements à la Station spatiale internationale (ISS).

Les quatre avaient été à l'origine recrutés comme équipage de réserve: ils seraient allés récupérer les astronautes d'Endeavour au mois de mai sur l'ISS si leur navette, qui effectuait également son dernier vol, avait été trop endommagée pour regagner la Terre. Hormis pour un éventuel sauvetage, Ferguson et ses équipiers ne devaient pas voler, selon le plan initial, et Atlantis devait rejoindre les autres navettes au musée.

Mais en début d'année, la NASA a décidé d'ajouter un dernier vol au programme. Comme Atlantis était déjà préparée à prendre les airs, si nécessaire, comme navette de secours, elle a été choisie.

Cette fois, en cas de coup dur, l'évacuation sera assurée par des capsules Soyouz. Celles-ci ne pouvant embarquer que trois personnes, dont un cosmonaute russe, la NASA a décidé de limiter l'équipage d'Atlantis à seulement quatre membres au lieu de six ou sept habituellement. Du jamais vu dans une navette depuis 1983.

La NASA estime qu'il y existe environ une chance sur 560 que l'équipage se retrouve bloqué sur l'ISS à cause de dommages subis pendant le vol par la navette. Si cela se produisait, il faudrait près d'un an pour ramener son dernier membre sur Terre.

Avec l'arrêt des navettes, et en attendant que des sociétés privées proposent des vols spatiaux, probablement d'ici trois à dix ans, la NASA devra s'en remettre aux Soyouz russes pour le transport des astronautes entre l'ISS et la Terre. Les astronautes américains devront ainsi se contenter de seulement quelques occasions de vol chaque année, au lieu des 35 à 50 places offertes annuellement par les navettes.

La NASA a réduit ses effectifs d'astronautes à 61 membres actifs. La fin du programme des navettes signifie également la perte de milliers d'emplois aux Etats-Unis.

Malgré deux accidents qui ont coûté la vie à 14 astronautes et détruit deux appareils - sept morts dans l'explosion de Challenger en 1986 et autant dans la désintégration de Columbia en 2003 -, les navettes ont transporté davantage d'humains que n'importe qu'elle autre flotte spatiale: 355 personnes au total, issues de 16 pays.

Les cinq navettes ont parcouru une distance combinée de 864 millions de kilomètres, chiffre qui augmentera de 6,4 millions de kilomètres avec la mission d'Atlantis. «Il n'y a pas un Américain qui regarde une navette s'envoler sans un sentiment de fierté nationale», assure le commandant Ferguson. La navette est «un véhicule américain par excellence», note son équipier, le mécanicien de bord Rex Walheim.

Atlantis livrera à l'ISS l'équivalent d'une année de nourriture et d'autres fournitures, et ramènera des rebuts sur Terre. À l'aide du bras robotisé de la navette, son équipage assistera également deux astronautes du complexe orbital lors d'une sortie dans l'espace.

Durant leur préparation, Ferguson et ses équipiers ont parlé avec de nombreux employés du Centre spatial Kennedy pour qui les navettes représentent beaucoup. «Il y a beaucoup d'émotion ici», reconnaît le commandant de bord.

Ferguson pense que l'équipage, actuellement concentré sur sa mission, prendra pleinement conscience qu'un chapitre de l'histoire spatiale se referme à l'issue de l'atterrissage, prévu le 20 juillet - date du 42e anniversaire des premiers pas de l'homme sur la Lune - lorsqu'Atlantis s'immobilisera sur le tarmac.

Les astronautes disent qu'on devra les forcer à quitter le cockpit. Sandra Magnus, qui a déjà volé sur l'ISS, s'attend même à pleurer sur la piste d'atterrissage en «contemplant 30 ans» d'un programme de navettes «spectaculaire».