L'industrie spatiale russe peut souffler après la mission réussie d'un vaisseau spatial Progress qui a changé l'orbite de l'ISS dans la nuit de dimanche à lundi, un succès qui n'occulte pas la série d'échecs retentissants subis par le secteur ces dernières semaines.

Quarante-huit heures après un premier échec, un vaisseau spatial Progress M-26M a finalement réussi à mettre ses moteurs en marche pour corriger l'orbite de la Station spatiale internationale, la plaçant à l'altitude désirée pour permettre le retour sur Terre de trois membres de l'équipage de la Station début juin.

La manoeuvre était d'autant plus importante que deux missions - un ravitaillement et un vol habité emportant trois spationautes - sont prévues d'ici à l'été et qu'un nouvel échec du Progress aurait semé le doute sur la capacité de la Russie à envoyer matériel et spationautes dans l'espace.

La manoeuvre réussie cette nuit met provisoirement fin aux déboires commencés avec la panne des moteurs du Progress et l'échec samedi matin de la fusée Proton-M à mettre sur orbite un satellite de télécommunications mexicain.

Selon Roskosmos, les moteurs du troisième étage du Proton-M ont mal fonctionné. Le troisième et le quatrième étage de la fusée, ainsi que le satellite, sont alors retombés vers la Terre avant de se désintégrer en pénétrant dans l'atmosphère.

Le premier ministre, Dmitri Medvedev, a exigé du directeur de Roskosmos, Igor Komarov, le nom des responsables, laissant entendre que des têtes pourraient tomber.

Il a en outre promis que ceux-ci paieront leurs erreurs «de leurs propres poches», rappelant que ces échecs nuisaient à la réputation du secteur spatial russe, qui fait historiquement la fierté du pays.

«Cet accident est la conséquence d'une crise systémique dans l'industrie» spatiale, a parallèlement dénoncé dans un communiqué le vice-premier ministre Dmitri Rogozine, chargé du secteur spatial, qui a promis des «réformes fermes» et «structurelles».

M. Rogozine a en outre annoncé le dépôt d'un projet de loi sur Roskosmos qui sera étudié dès mardi à la Douma, la chambre basse du Parlement russe, sans en dévoiler les détails.

La solution aux problèmes du secteur pourrait selon lui passer par un changement dans la forme de gestion de l'agence spatiale. En janvier, M. Medvedev avait proposé de fusionner Roskosmos avec la Compagnie spatiale unifiée, une puissante holding publique qui avait été créée fin 2013 pour regrouper les sociétés actives dans cette industrie.

Rappelant que des accidents avec le lanceur Proton étaient déjà survenus en 1988 et 2014, et que les conclusions des spécialistes n'avaient pas permis d'en établir clairement les raisons, M. Rogozine a prévenu qu'il «n'y a plus de place à l'erreur», appelant à abandonner les Protons pour des modèles plus récents tels que les fusées Angara.

Il a averti qu'aucun tir de fusée Proton n'aurait lieu avant que la commission d'enquête ne rende ses conclusions.

Commission d'enquête

Une commission d'enquête s'est réunie dès dimanche matin pour enquêter sur l'accident. Les enquêteurs se déplaceront notamment sur le lieu de fabrication du moteur défaillant, une usine de Voronej, dans le centre du pays.

Ces déconvenues interviennent moins d'un mois après qu'un vaisseau cargo inhabité Progress censé ravitailler l'ISS a perdu le contact avec la Terre, peu de temps après son décollage le 28 avril. Ce vaisseau s'était ensuite désintégré en entrant dans l'atmosphère le 8 mai.

La manoeuvre réussie du vaisseau Progress a aussi soulagé les trois astronautes de l'expédition 43 de l'ISS, composée du Russe Anton Chkaplerov, de l'Américain Terry Virts et de l'Italienne Samantha Cristoforetti.

C'est pour permettre leur retour sur Terre que l'ISS avait besoin d'ajuster légèrement son altitude début juin, un retour déjà retardé d'un mois par la perte du vaisseau cargo Progress fin avril.

La nouvelle équipe de l'ISS, qui devait initialement décoller le 26 mai du cosmodrome de Baïkonour, ne rejoindra la Station qu'à la fin juillet, après un nouvel essai de lancement d'un vaisseau de ravitaillement vers l'ISS.

Dans la presse russe, ces défaillances en série ont déchaîné les critiques, l'absence de contrôle de qualité dans l'industrie spatiale, un domaine stratégique faisant historiquement la fierté du pays, mais confronté à une série de revers depuis plusieurs années, étant pointée du doigt.

«La crème de la crème ne va pas travailler dans le secteur spatial. Rien n'est fait pour attirer des spécialistes hautement qualifiés: les salaires sont bas et ce n'est pas très prestigieux d'y travailler», a ainsi expliqué au micro de la radio Rousskaïa Sloujba Novostieï Iouri Karach, de l'Académie russe des cosmonautes.