«À vendre: dinosaure, épine dorsale 90% complète»: dix ans après sa découverte dans l'ouest du Portugal, Gonçalo Ribeiro s'est enfin décidé à se séparer de sa trouvaille, indifférent à la polémique suscitée par sa petite annonce, postée sur un site internet.

«J'ai une entreprise de terrassement, et un jour, alors qu'on était en train de creuser, on est tombé sur des cailloux. Mais en regardant de plus près, j'ai vu que ce n'était pas des pierres!»", raconte Gonçalo Ribeiro.Une fois les «pierres» mises bout à bout, est apparue une queue de sauropode, longue de 3,60 mètres. Un vestige de quelque 150 millions d'années de «grande valeur scientifique», confirme le paléontologue Octavio Mateus.

«Ça ne servait à rien de la proposer à un musée, dit simplement M. Ribeiro. Les sommes qu'ils avancent sont très loin du compte».

Un «compte» qu'il se refuse à préciser, tout en reconnaissant avoir «refusé une offre de cent mille euros faite par une commune parce que ce n'était pas assez». «Si on ne m'en donne pas assez, ce n'est pas grave, je la garderai», ajoute M. Ribeiro, qui ne veut pas préciser le lieu exact de sa découverte, «en région ouest», ou même la laisser photographier.

Joint au musée du Jurassique de Lourinha, Octavio Mateus ne décolère pas. Il a adressé une lettre ouverte au site de petites annonces qui publie l'«objet» à vendre et sa photo dans la section des «antiquités» pour dénoncer la «vente de notre patrimoine paléontologique comme s'il s'agissait d'une voiture ou d'une paire de chaussures».

«Le Portugal est un pays riche en dinosaures, le 7e au niveau mondial. Mais même ainsi, ces fossiles restent rares et ne sont pas si abondants que nous puissions nous offrir le luxe de les vendre comme une simple marchandise», insiste le paléontologue.

Il y a quelques années, ce passionné, chercheur à l'Université Nouvelle de Lisbonne, avait été contacté par la commune de Cadaval (55 km au nord de Lisbonne) pour une expertise de fossiles.

«La queue de sauropode était là, ainsi qu'un péroné. Mais j'ai vite compris devant les questions posées qu'en l'étudiant, j'augmentais sa valeur. Celui qui les avait trouvés voulait une estimation de prix. J'ai refusé», raconte-t-il.

Octavio Mateus confirme qu'il s'agit bien d'un sauropode, dinosaure du Jurassique supérieur (entre 152 et 146 millions d'années) qui compte parmi les plus grands qu'ait portés la terre. Mais, confesse-t-il avec une pointe de regret dans la voix,«"je ne sais pas de quelle espèce précise il s'agit, car je n'ai pas voulu l'étudier plus avant».

Il refuse également de se poser la question de la valeur marchande de cette découverte. «Les dinosaures sont tous rares, répond-il. Celui-là est suffisamment rare pour devoir rester dans le domaine public, mais pas suffisamment rare pour justifier les sommes exorbitantes qu'il demande».

M. Mateus aimerait que le Portugal se dote enfin d'une législation qui interdise le commerce de ce qu'il considère «notre patrimoine à tous», comme cela se fait ailleurs en Argentine, ou même en Chine ou en Mongolie.

«Actuellement la législation portugaise est tellement floue qu'elle est inapplicable dans la pratique. Alors, les gens s'imaginent "chercheurs d'or", se disent qu'ils sont détenteurs d'une fortune. Mais c'est comme un arbre rare, un animal rare... Un dinosaure n'a aucune valeur économique, seulement une valeur inestimable pour la science!»

Pourtant, M. Ribeiro n'est pas inquiet. Il reste convaincu que quelqu'un finira par lui en offrir le «prix juste».