Comment les ptérosaures, immenses reptiles volants du Jurassique qui pouvaient peser 250 kilos, faisaient-ils pour prendre leur envol? Un biologiste de l'université Johns Hopkins pense avoir la réponse: ils bondissaient dans les airs un peu à la manière d'une grenouille.

Ailes déployées, le ptérosaure pouvait avoir l'envergure d'un autobus. L'an dernier, des chercheurs ont tenté de comprendre comment il prenait son envol en étudiant le plus grand oiseau actuel, l'albatros. Ils en ont conclu que tout animal plus grand que ce volatile ne pouvait décoller de la même manière.

Mais pour le biologiste Mike Habib, de l'université Johns Hopkins, aux États-Unis, il n'est pas pertinent de comparer les ptérosaures et les oiseaux. «Ils ne sont pas constitués de la même manière», a-t-il expliqué dans un entretien téléphonique à l'Associated Press.

M. Habib a examiné des scanners de fossiles provenant de 155 spécimens d'oiseaux et d'une dizaine d'espèces de ptérosaures, et a découvert de grandes différences morphologiques entre les volatiles et les reptiles ailés. Chez les oiseaux, les pattes arrière étaient ainsi plus puissantes que celles de devant alors que certains ptérosaures avaient des pattes avant beaucoup plus puissantes que celles de derrière.

Les ptérosaures décollaient du sol en bondissant à la manière d'une grenouille, selon M. Habib, les pattes arrière quittant le sol avant celles de devant. Cette technique d'envol, que seules les chauves-souris vampires utilisent aujourd'hui, leur permettait de décoller en moins d'une seconde.

M. Habib a calculé qu'une espèce de ptérosaure, l'Hatzegopteryx thambema, s'élançait vers le ciel à la vitesse de 68 km/h. Le ptérosaure «accélérait plus comme une Porsche que comme une Volkswagen», souligne le biologiste. «Ce qui est très pratique quand vous vivez dans un monde plein de tyrannosaures, ce qui était le cas.» Les ptérosaures sont apparus il y a environ 230 millions d'années et se sont éteints avec les dinosaures il y a 65 millions d'années.

Les recherches de M. Habib, publiées dans Zitteliana, une revue allemande, mêlent paléontologie et dynamique du vol. James Cunningham, un ingénieur du Tennessee auteur d'une étude pour le National Geographic sur le même sujet, juge les travaux du biologiste pertinents en ce qui concerne la dynamique du vol. «Les plus gros ptérosaures n'avaient pas assez de muscles pour décoller du sol en battant des ailes», explique-t-il.

David Unwin, un expert en ptérosaure de l'université de Leicester, se dit toutefois pas totalement convaincu par l'étude, car elle n'a pas examiné la compatibilité entre cette manière de décoller et l'ensemble des caractéristiques biologiques de l'animal. Et il n'existe en outre aucune empreinte préservée de ptérosaure susceptible d'accréditer ou d'affaiblir la théorie de M. Habib, ajoute-t-il.

Selon M. Unwin, il est possible que la créature ait été plus légère qu'on ne le pense, ce qui rendrait son envol moins énigmatique. Mais il convient avec M. Habib qu'on ne devrait pas la comparer aux oiseaux ou à d'autres espèces actuelles. Les ptérosaures sont trop différents, et c'est ce qui fait leur charme, conclut-il.