Après plus d'une décennie de travail et 3,5 milliards de dollars (2,6 milliards d'euros) d'investissement, des ingénieurs américains ont achevé la construction du plus puissant laser au monde, un appareil capable de simuler l'énergie produite par une bombe à hydrogène ou par le soleil lui-même.

Le département américain de l'Énergie devait annoncer mardi avoir certifié officiellement le «National Ignition Facility» (NIF), basé au Laboratoire national Lawrence Livermore en Californie, ouvrant ainsi la voie à une série d'expériences avec l'appareil qui seront menées au cours des 12 mois à venir. Les chercheurs espèrent à terme simuler, à l'aide du laser, la chaleur et la pression régnant au centre du soleil.

Le gigantesque appareil, de la taille d'un stade de football, se compose de 192 faisceaux laser distincts qui parcourent chacun 305 mètres en un millième de seconde pour converger simultanément vers une cible de la taille d'une gomme.

Le laser NIF devrait être utilisé pour un large éventail d'expériences physiques de haute énergie et haute densité, mais son objectif principal est d'aider les physiciens de l'État américain à s'assurer que les années qui passent ne réduisent pas la fiabilité des armes nucléaires du pays.

Le laser «sera un pilier» du programme de suivi de ces armes, «garantissant le maintien de la fiabilité de l'arsenal nucléaire américain sans essai nucléaire souterrain», explique Thomas D'Agostino, patron de l'Administration nationale de la sécurité nucléaire (NNSA), une branche semi-indépendante du département de l'Energie.

Le projet avait été lancé au début des années 1990, son coût étant alors estimé à 700 millions de dollars (environ 530 millions d'euros). La construction a commencé en 1997. Les premières années ont été marquées par des difficultés notamment pour maintenir les instruments optiques parfaitement propres.

Le NIF devrait monter en régime à travers une série d'expériences pour culminer en 2010 à un niveau de puissance correspondant à l'«ignition de la fusion». A ce stade, la chaleur et la pression sont suffisantes pour fusionner les atomes d'hydrogène dans une minuscule «cible» cylindrique et l'énergie libérée est plus importante que celle générés par les rayons laser eux-mêmes.

C'est ce qui se produit lors de l'explosion d'une bombe à hydrogène et au centre du soleil. Les scientifiques aimeraient maîtriser un jour cette réaction pour produire une forme d'énergie propre et sûre qui fusionne les atomes plutôt que de les séparer.

Edward Moses, directeur du programme NIF, qui a conduit son développement depuis 1999, se dit confiant dans la capacité du laser géant à atteindre l'«ignition de la fusion».

«Il est désormais opérationnel», a-t-il assuré lors d'un entretien téléphonique à l'Associated Press. «Les lasers sont là, les cibles sont là (...). Nous devons préparer tout cela pour tirer sur les cibles.» C'est la première fois que de telles expériences seront menées «sur cette échelle», ajoute-t-il. Les lasers du NIF produisent 60 à 70 fois plus d'énergie qu'un système à 60 faisceaux basé à l'université de Rochester, qui est le deuxième laser le plus puissant du monde, précise M. Moses.

Outre son utilisation pour évaluer le fonctionnement des armes nucléaires, le NIF devrait permettre aux astronomes de simuler les conditions censées exister à l'intérieur de planètes et de nouveaux systèmes solaires.

M. Moses considère le NIF comme une étape essentielle pour le développement d'une source d'énergie par fusion. «Nous voulons apporter la preuve scientifique du principe de l'énergie de fusion», ajoute le scientifique, qui prédit que certaines expériences pourraient brièvement produire 50 à 100 fois plus d'énergie que les lasers n'en génèrent.