On croyait que les premiers ancêtres des animaux étaient des éponges de 635 millions d'années. Or, des géologues viennent de faire reculer l'âge des premiers animaux de... 200 millions années. Ils ont découvert dans le roc des montagnes Mackenzie, sur la frontière qui sépare le Yukon des Territoires du Nord-Ouest, ce qui semble être les traces d'un type primitif d'éponges.

«C'est un animal, mais pas encore une éponge, un corail, ou un autre mollusque », explique Fritz Neuweiler, professeur de géologie à l'Université Laval. Le chercheur ainsi que deux autres géologues, Elizabeth Turner de l'Université Laurentienne en Ontario et David Burdige de l'Université Old Dominion de Virginie, sont arrivés à cette conclusion après avoir comparé les roches du mont Mackenzie avec des roches riches en éponges âgées de 635 millions d'années. Toutes deux possèdent une structure similaire qui proviendrait de la calcification de tissus décomposés. « Si nous trouvons les mêmes structures dans des sédiments très anciens, cela démontre la présence de tissu conjonctif, qui est constitué de collagène ». Et le tissu collagène est caractéristique des animaux, ajoute le professeur Neuweiler. Les tissus fossilisés découverts auraient donc appartenu à une forme de vie très primitive. Plus primitive encore que les éponges d'il y a 635 millions d'années, qui possédaient déjà un système de canaux ayant laissé des traces dans la pierre. Ces « tubes » ne sont pas présents dans la trouvaille du professeur Neuweiler. Ces organismes n'auraient mesuré que quelques centimètres et ont été retrouvés dans un récif de cyanobactéries, très abondants dans les mers tropicales de l'époque.

La découverte des géologues qui a eu un certain retentissement médiatique au Canada n'est pas complètement nouvelle. Des structures similaires avaient déjà été trouvées dans les années 1980. Ce sont de nouvelles expériences qui ont permis au professeur de l'Université Laval et à son équipe de conclure que les textures ne proviennent pas de bactéries.

Cela dit, on n'en est pas sûr à 100 %. Pour Hans Hofmann, professeur de géologie à l'Université McGill, il ne faut pas s'emballer trop vite. « C'est une réinterprétation de structures qui étaient déjà connues et qui pourraient représenter une colonie de bactéries. » Les chercheurs ne travaillent pas seulement avec des structures visibles, mais avec des preuves chimiques. Selon lui, il faudrait donc les étudier encore un peu plus. Il s'agit en effet ici de preuves microscopiques. Les textures ont été observées dans des tranches de roches dont l'épaisseur ne dépasse pas 30 microns. Hofmann admet malgré tout que la découverte est assez intrigante pour stimuler d'autres recherches.

Par ailleurs, si l'hypothèse est vraie, elle supporterait le concept d'une biosphère qui aurait résisté à la glaciation Varanger, une période de plusieurs millions d'années où la Terre se serait transformée en une énorme boule de neige.