La sexualité des escargots leur permet notamment de mieux lutter contre les parasites. C'est à cette conclusion que sont parvenus un spécialiste des gastéropodes de l'Institut fédéral de recherches sur les eaux (EAWAG), à Dübendorf, en Suisse, et ses collègues nord-américains.

La reproduction par voie sexuée dans le règne animal fournit en effet, sur le long terme, des avantages en matière de résistance et de lutte contre les parasites. La question des «raisons» de la reproduction sexuée, vue sous l'angle de l'évolution, reste cependant largement ouverte, selon les biologistes.

Les micro-organismes comme les bactéries, mais aussi bon nombre de plantes et même des reptiles, se reproduisent sans passer par la voie sexuelle qui implique la fusion de gamètes mâles et femelles. Le mode asexué paraît plus simple et efficace car il n'exige pas que deux individus se rencontrent pour obtenir une descendance.

Il n'en reste pas moins que la reproduction sexuée domine très largement parmi les espèces, alors même que la voie asexuée fournit des taux de reproduction nettement supérieurs et évite de nombreuses complications aux divers stades de la formation des descendants.

Le biologiste de l'évolution Jukka Jokela, de l'EAWAG, collaborant avec des chercheurs des universités de Washington et de l'Indiana, a montré par l'étude d'escargots que la voie sexuelle présente des avantages.

Le Pr Jokela a observé pendant deux décennies des escargots d'eau, notamment une espèce néo-zélandaise, Potamopyrgus antipodarum, amenée en Europe vers 1880 avec des poissons et qui s'y est acclimatée. Le petit escargot de 5 millimètres se reproduit en Nouvelle-Zélande aussi bien par voie sexuelle qu'asexuelle (parthénogénèse). En Europe, toutefois, il ne se reproduit qu'asexuellement: les individus femelles, disposant d'un triple bagage chromosomique, produisent donc des clones d'elles-mêmes.

Le Pr Jokela et son équipe de chercheurs, selon l'EAWAG, ont tout particulièrement examiné des populations de ces petits escargots dans leurs relations avec les parasites. Il est alors apparu que les populations avec reproduction sexuée ne connaissaient pas, sur le long terme, de grande variations d'effectifs. En revanche, chez les populations à reproduction asexuée, certaines lignées originelles de clones ont souvent été remplacées par d'autres, cela en quelques années. Les premières lignées produites asexuellement, d'abord gagnantes, étaient devenues trop sensibles aux parasites. Ces derniers avaient envahi la plupart des individus des lots observés.

Selon l'EAWAG, cette évolution avait été prévue déjà par des modèles mathématiques. Première à y parvenir, l'équipe du Pr Jokela a démontré que ce modèle fonctionnait effectivement dans la nature. «La reproduction sexuée fournit un avantage dans le cours de l'évolution, principalement là où il y a beaucoup de parasites», estime M. Jokela.

Cela pourrait aussi expliquer pourquoi certaines populations d'escargots observées en Europe se sont parfois rapidement et fortement multipliées puis se sont effondrées. C'est ainsi, selon l'EAWAG, qu'on pouvait trouver au cours des années 1970 quelque 100 000 individus par mètre carré dans le lac de Constance, alors qu'aujourd'hui l'espèce, partout présente, n'est nullement dominante.