La revue américaine Science publie jeudi les conclusions d'études apportant un éclairage nouveau sur Ardi, un hominidé qui vivait il y 4,4 millions d'années en Ethiopie (Afrique de l'Est), et sur l'évolution du genre humain.

Ardi, dont des ossements ont été découverts entre 1992 et 1994 dans la région de l'Afar en Ethiopie, était une créature de sexe féminin mesurant 1,20m et pesant 50kg. Elle vivait un million d'années avant Lucy - l'un des plus célèbres fossiles du monde, découvert en 1974 et longtemps considéré comme le plus vieil hominidé connu.Selon Tim White, directeur du Centre de recherche sur l'évolution humaine à l'Université de Berkeley en Californie, les études publiées dans Science font également apparaître que les grands singes (chimpanzés, gorilles) et les humains ont évolué séparément à partir d'un lointain ancêtre commun qui vivait il y a de six à sept millions d'années.

Ardi, a-t-il expliqué à l'Associated Press, n'est «pas cet ancêtre commun, mais c'est le plus près dont nous avons pu jamais nous approcher». Les études d'Ardi, en cours depuis la découverte des premiers ossements, montrent que cet hominidé évoluait dans un habitat arboré (bois, forêts). L'analyse des ossements retrouvés, qui a permis une reconstitution du squelette, indique qu'Ardi pouvait se servir de ses quatre membres pour grimper aux arbres. Il pouvait aussi adopter la station debout et se déplacer en tant que bipède.

Ardi, résume Tim White, est une sorte de «mosaïque, ni chimpanzé, ni humain». Il appartient au genre Ardipithèque, précédant les Australopithèques, pour leur part plus proches de l'homme.

Charles Darwin, dont les travaux au XIXe siècle ont ouvert la voie aux sciences de l'évolution, «disait que nous devions être vraiment prudents» concernant l'ancêtre commun, note Tim White. La seule façon de savoir à quoi il ressemblait est de le trouver. Hé bien, à la date de 4,4 millions d'années, nous avons découvert quelque chose qui s'en approche assez».

Et, comme Darwin en avait eu l'intuition, «l'évolution des lignées entre singes et humains s'est déroulée indépendamment, depuis la séparation entre les deux, depuis le dernier ancêtre commun», ajoute le chercheur, un des scientifiques ayant participé aux études.

David Pilbeam, conservateur du Musée Peabody d'archéologie et ethnologie à Harvard, qualifie ces travaux, auxquels il n'a pas pris part, de contributions majeures à «l'histoire de l'évolution humaine».

Les travaux ont notamment été financés par la Fondation nationale américaine des sciences, l'Institut de géophysique et de physique planétaire de l'Université de Californie, le Laboratoire national Los Alamos, la Société japonaise pour la promotion des sciences.

Le paléoanthropologue Gen Suwa de l'Université de Tokyo a rapporté par ailleurs que le visage d'Ardi, proéminent, avait une apparence simiesque. Mais le positionnement de son cerveau était semblable à celui des humains modernes. Ses canines supérieures s'apparentaient également plus à celles de l'homme qu'à celles, longues et acérées, des chimpanzés mâles et de la plupart des autres primates. L'analyse de l'émail dentaire fait apparaître qu'il se nourrissait entre autres de fruits, de noix ou de feuilles issues de son habitat.

Giday WorldeGabriel du Laboratoire national de Los Alamos, fait remonter à 4,4 millions d'années les ossements d'Ardi, grâce à l'étude des couches volcaniques dans lesquels ils étaient enserrés.

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