Les personnes qui ont passé six heures par jour à éplucher les médias pour avoir des informations sur l'attentat du marathon de Boston ont été plus traumatisées que celles qui étaient sur place, affirme une étude américaine publiée lundi.

Dans ces travaux publiés dans les Proceedings of the National Academy of Sciences, les chercheurs ont étudié les conséquences psychologiques d'une exposition répétée à la violence via les médias traditionnels et numériques, après cet attentat, le premier sur le sol américain depuis ceux du 11-Septembre.

Deux bombes fabriquées à partir de cocottes-minutes pressurisées ont explosé près de la ligne d'arrivée du marathon de Boston le 15 avril, faisant trois morts et 260 blessés, parmi lesquels plusieurs amputés.

Les images les plus crues de cette scène de violence ont été censurées ou édulcorées par les médias mais de nombreux clichés bruts ont été mis en ligne sur les médias sociaux par des témoins, a expliqué à l'AFP Roxane Cohen Silver, l'une des auteurs de cette recherche.

«Ce qui nous a frappé, c'est l'impact que ces images ont eu --y compris sur les personnes qui n'étaient pas présentes ce jour-là», a expliqué ce professeur de psychologie à l'université Irvine de Californie. «La couverture médiatique a suscité davantage de réactions aigües au stress que l'expérience même» de l'attentat, a-t-elle précisé.

Le stress aigu se définit par un ensemble de symptômes comme des pensées entêtantes, un état d'hyper-vigilance permanent ou encore des flashbacks.

Les chercheurs ont ainsi demandé aux 4675 participants à cette étude quelle avait été leur consommation des médias dans les deux à quatre semaines suivant l'attentat et quel avait été leur état psychologique.

Sans surprise, les témoins de l'attentat ou les personnes connaissant des gens qui étaient présents le 15 avril dernier ont montré plus de signes de stress que les personnes qui n'y étaient pas. Ils ont également été plus enclins à consulter les médias sur la question.

Responsabilité des médias

Mais la donne semble s'inverser pour les personnes qui ont consulté de la documentation sur l'attentat plus de six heures par jour, a expliqué Roxane Silver. «Il ne s'agit pas de minimiser les conséquences de l'exposition directe à un drame mais plutôt de dire que la couverture médiatique a déclenché encore plus de stress aigu», a-t-elle ajouté.

Les personnes s'étant informées six heures par jour et plus ont été neuf fois plus sujettes au stress aigu que celles n'ayant consulté les médias qu'une heure par jour.

Dans l'étude, la consultation moyenne des médias a été de 4,7 heures par jour et comprenait la lecture d'articles, le visionnage de reportages télévisés et de vidéos de l'explosion des bombes et la consultation d'images et de témoignages sur les médias sociaux.

Cette étude soulève la question de la responsabilité morale des organes d'information, déjà soulevée par le passé par des recherches sur les traumatismes indirects, a expliqué Bruce Shapiro, directeur à l'université de Columbia d'un département spécialisé dans le traitement par les journalistes des conflits ou des attentats.

Il précise néanmoins qu'un état de stress aigu ne conduit pas nécessairement à un état de stress post-traumatique. Il faut pour cela que les symptômes perdurent au-delà de six semaines et modifient profondément la vie des personnes qui les expérimentent.

Roxane Silver fait valoir que le paysage médiatique contemporain offre un accès plus facile aux images qui peuvent être dérangeantes, surtout si elles sont visionnées plusieurs fois par des personnes livrées à elle-mêmes. «Les gens devraient être conscients qu'il n'y a aucune retombée psychologique bénéfique à visionner des images horribles de manière répétée», a-t-elle mis en garde.