La gravité ne serait qu'une illusion, une conséquence des lois de la thermodynamique qui régissent le comportement de la chaleur et des gaz.

L'affirmation arrive d'Erik Verlinde, spécialiste de la théorie des cordes et professeur à l'Université d'Amsterdam. Sa vision de la gravité provoque actuellement une onde de choc dans le monde scientifique depuis sa sortie, en janvier 2010. Ses travaux contredisent les calculs de Newton sur l'espace courbe ou l'attraction à distance, qui font pourtant consensus depuis 300 ans, rien de moins.

Ceux parmi ses collègues qui réussissent à comprendre sa théorie restent sceptiques quant à l'idée de rejeter l'existence même de la gravité, l'espace et le temps. Surtout, disent-ils, que Verlinde n'a encore rien prouvé de ce qu'il avance.

Pour essayer d'y voir plus clair, il faut remonter aux travaux de Ted Jacobson, théoricien de l'Université du Maryland. Il a été le premier à bousculer sérieusement les notions autour de la gravité. Selon ses calculs, les trous noirs seraient des hologrammes dont l'information, perdue à l'intérieur, a plutôt été encodée sur la surface extérieure. Nous-mêmes, les humains, ne serions que des ombres projetées sur un tableau noir, l'univers. Il allait même jusqu'à affirmer que dans cette conception du monde holographique, la relativité générale d'Einstein n'est qu'une méthode de calculs parmi d'autres pour expliquer les lois de la thermodynamique.

Un autre scientifique, Juan Maldacena, de l'Institute for Advance Study, a fait avancer les conclusions de Jacobson. Pour illustrer le modèle holographique de l'univers, il utilise la métaphore d'une boîte de conserve. L'activité y serait circonscrite à l'intérieur, tandis que ses informations apparaissent sur l'étiquette extérieure, avec l'absence remarquée de la gravité et de la dimension spatiale.

Si les travaux de Verlinde ressemblent en tout point aux recherches de Jacobson et de Maldacena, pourquoi en avoir rajouté et quelle est la nouveauté? se demande la communauté scientifique.

Faux, rétorque Erik Verlinde, qui se considère le premier à avoir considéré la gravité comme étant plutôt une force entropique, une notion jusque-là inexplorée. «Il faut comparer l'univers à une boîte de scrabble. Il n'existe qu'une seule combinaison possible pour assembler correctement les mots. Alors qu'une infinie de possibilités tend plutôt à former un mot incompréhensible. Quand on secoue la boîte, on favorise l'anarchie et le désordre. Les lettres mélangées n'arrivent pas à créer une information intelligible.»

L'article de Verlinde fait tout sauf laisser indifférent, il est provocant même, explique John Shwartz, de la California Institute of Technology, l'un des pères de la théorie des cordes.

Certains l'accusent de manquer de rigueur mathématique ou de fournir des calculs incomplets. D'autres parlent même d'un pétard mouillé. Verlinde aura eu moins eu le mérite de soulever des questions scientifiques très importantes, explique Raphael Bousso, de l'Université de la Californie. Entre-temps, le débat continue, et tout le monde attend maintenant la suite.